COMMUNIQUÉ DU GÉNÉRAL CHRISTIAN PIQUEMAL, RADIÉ DISCIPLINAIREMENT DES CADRES PAR DÉCRET DU
23 AOÛT 2016, SIGNÉ DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

J’ai appris par la presse ce matin le rejet de mon recours devant le Conseil d’État lorsque je n’avais même pas été informé personnellement auparavant de la décision.

Sur la forme, je tiens à souligner le manque de respect d’une élémentaire courtoisie du Conseil d’État qui s’est permis de publier un communiqué de presse mentionnant un « manquement au devoir de loyauté » alors que le principal intéressé n’a même pas été informé du sens de la décision.

Ce procédé, venant de la plus haute juridiction administrative française, me semble proprement scandaleux et inqualifiable.

Sur le fond, je dénonce le manque de loyauté de la procédure devant le Conseil d’État, qui n’a pas répondu à l’argumentation précise invoquant une violation directe du principe d’égalité garanti par la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789.

En effet, les officiers généraux sont, comme les conseillers d’État, des fonctionnaires nommés par le Président de la République en vertu de l’article 13 de la Constitution, et soumis les uns comme les autres au devoir de réserve. Un officier général en seconde section ou un conseiller d’État – comme par exemple M. Wauquiez – sont dans des situations tout à fait comparables au regard du devoir de réserve quand ils font de la politique. Pourtant, personne n’imagine reprocher aux conseillers d’État engagés en politique un manquement au devoir de réserve ou encore moins à un devoir de loyauté.

Au contraire, le Conseil d’État va même jusqu’à valider le système qui permet à ses membres d’avancer en grade pendant qu’ils font de la politique : à cet égard, ils sont dans une situation comparable à celle dans l’armée d’un militaire s’engageant en politique au grade de lieutenant, qui obtiendrait ensuite une retraite de général sans avoir ou presque servi dans l’armée.

Cela ne pose aucun problème à la Haute Juridiction qui en revanche n’accepte pas qu’un général, ayant servi pendant 39 années au service de la France, puisse s’engager en politique alors même que le statut général des militaires tel qu’il a été révisé en 2005 à l’instigation de Renaud Denoix de Saint Marc lorsqu’il était Vice-président du Conseil d’État, le permet.

On constate par ailleurs que le Conseil d’État refuse même jusqu’à répondre à l’évocation de la comparaison entre un officier général et un de ses membres.

Le Conseil d’État a également balayé d’un revers de la main l’invocation de l’atteinte à la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des Droits de l’Homme au seul motif que le but poursuivi était légitime. Il se trouve que normalement, lorsqu’une atteinte à une liberté fondamentale est portée, le juge vérifie la proportionnalité de l’atteinte à l’intérêt public en jeu. Nulle trace d’une telle balance ici : pour le Conseil d’État, toute privation de liberté d’un officier général est légale dès lors qu’elle est utile aux autorités politiques.

Le Conseil d’État approuve la sanction de radiation appliquée en indiquant qu’elle est justifiée par le fait que je n’exerçais plus de fonctions militaires. Or, en admettant cela, il reconnaît lui-même que je ne pouvais pas manquer au devoir de réserve envers les autorités militaires avec lesquelles je n’avais pas de lien.

Le Conseil d’État ayant décidé d’apporter par un communiqué, une publicité spéciale autour de cette décision empreinte de contradictions, qui ne prend pas la peine de répondre à mes arguments, j’ai décidé de défendre mon honneur par la voie d’un communiqué de presse, en me réservant la possibilité d’obtenir la reconnaissance de mes droits devant le Cour européenne des Droits de l’Homme.

Le samedi 23 septembre 2017.


Christian Piquemal