LA HAINE DE SOI : UNE ARME AU SERVICE DE L’ANTI-FRANCE (par le général Martinez)

L’hebdomadaire L’Obs  publie dans sa dernière livraison du 20 octobre 2015 un texte de F. R., enseignant en histoire-géographie et écrivain intitulé « Le massacre d’octobre 1961 et ces Français qui ne sont pas Charlie ». Pour planter le décor, il déclare que « La France s’est en réalité construit ces dernières années un nouvel ennemi intérieur : une prétendue “communauté musulmane”, collectivement suspecte d’une déloyauté qu’elle feint de découvrir sans jamais chercher à la comprendre ». Il poursuit pour marteler sa vérité en déclarant que « la sanglante répression “au faciès” de 1961 est “l’événement-matrice”, selon le mot de Pierre Vidal-Naquet, de bien des “ratonnades” réelles ou symboliques. Parmi ses causes, on trouve une hantise qu’on n’appelait pas encore islamophobie : celle de la dangerosité, construite dans l’imaginaire colonial français, des musulmans ». Reprochant à l’État français son prétendu silence pendant un demi-siècle qu’il qualifie de « doxa patriotique négationniste qui voudrait effacer tout ce qui entache l’histoire de France », il indique que « l’existence même de l’événement ne fut officiellement admise qu’après cinquante-et-un ans, mais, pour ainsi dire, du bout des lèvres. En 2012, le président reconnut une “tragédie” et “la douleur des victimes”. Mais il s’arrêta au seuil d’une vérité historique politiquement inavouable, ne mentionnant ni la nature raciste de la répression, ni la barbarie du modus operandi ».

On reste interloqué devant tant de haine à l’égard de la France et on n’est donc pas surpris de sa conclusion selon laquelle « le vent mauvais de la xénophobie et du racisme qui nous fait suffoquer à nouveau comme jamais depuis la fin de la guerre d’Algérie a en effet un pendant mémoriel dans l’anti-repentance ».

Un tel discours malhonnête, élaboré à partir d’idées traduisant au mieux un point de vue très partial, au pire une démarche insultante pour la France et donc pour le peuple français car ne reposant sur aucun fait établi, ne peut pas rester sans réponse. Car si on comprend bien, on suffoque, on étouffe dans notre pays sous la pression abominable de la xénophobie et du racisme qui caractérisent le peuple français. C’est curieux. Comment expliquer alors le si grand nombre d’immigrés musulmans qui, depuis la décolonisation, ont rejoint notre pays une grande partie d’entre eux étant devenus français ? Comment expliquer que le “rêve algérien” n’a cessé de s’identifier à un “rêve français” puisque, paradoxalement, le peuple algérien n’aspire qu’à une chose : vivre chez son ancien colonisateur ? Nous serions, en outre, dans un contexte d’anti-repentance qui aurait entraîné les Français dans une attitude “patriotique négationniste” dont le but serait d’effacer tout ce qui entache l’histoire de France ! Rien de moins. Les citoyens apprécieront d’autant plus qu’ils sont persuadés, à juste titre, de l’inverse c’est-à-dire du règne d’une autre doxa, révisionniste, qui a entraîné nos élites dans une course à la repentance outrancière et morbide depuis de nombreuses années, visant à effacer des pans entiers de l’histoire de France pour répondre aux diktats de l’historiquement correct. La reconnaissance de ce “massacre du 17 octobre 1961” n’aurait été officiellement admise que cinquante-et-un ans après, en 2012, par le président de la République.

Qu’ en est-il réellement ?

« Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. » Cette déclaration faite par le Président de la République en décembre 2012 nous confirme à quel point la haine de soi est devenue le credo de nos élites politiques et d’une partie de nos concitoyens. Plus grave, cette déclaration précédait de quelques semaines le voyage officiel du Chef de l’État en Algérie où il prononça un discours contestable et choquant par sa partialité sur la période de la colonisation. Car un tel discours ne peut avoir que des effets dévastateurs qui alimentent, sur notre territoire, le ressentiment d’une immigration hostile à l’égard de notre pays et de nos concitoyens (ainsi, même ceux devenus français ne peuvent pas être Charlie). Il faut bien admettre que cela conforte cette dernière dans son refus d’intégrer la communauté nationale et de respecter les valeurs et les lois de notre République et l’incite, comme les dirigeants de son pays d’origine, à exiger la repentance de la France, exigence farfelue, infondée et inacceptable quand on connaît les raisons qui ont conduit notre pays à débarquer à Alger en 1830. Exigence d’autant plus inacceptable quand on sait dans quel état se trouvait ce pays quand ceux qui l’ont construit avec amour l’ont laissé, la mort dans l’âme, et que l’on constate dans quel état il se trouve aujourd’hui avec des dirigeants incompétents, corrompus et incapables d’assurer le bien-être de sa population, alors même qu’il dispose de richesses et de potentiels extraordinaires mis à sa disposition par l’ancien colonisateur.

Cela dit, s’agissant des événements qui se sont déroulés au cours de cette soirée du 17 octobre 1961, curieusement rien n’est dit du contexte historique, ce qui, à l’évidence, ne peut constituer qu’un obstacle sérieux à leur compréhension. Il faut donc, par souci d’objectivité et d’honnêteté intellectuelle, rappeler la situation du moment et le déroulement des événements, sinon on se soumet au diktat de l’anachronisme ou du mensonge par omission, les deux instruments du politiquement correct qui conduisent à refluer sur le passé pour le modifier selon les nouveaux critères de la bien-pensance et aboutir ainsi à l’historiquement correct.

En effet, ce 17 octobre 1961, la guerre d’Algérie dure depuis sept ans. Le général De Gaulle est Président de la République et Michel Debré Premier ministre. Des négociations publiques se déroulent entre les émissaires français et ceux du FLN. Dans le même temps, ce dernier intensifie les attentats en France métropolitaine afin de faire pression sur les autorités françaises. Deux cents policiers et militaires ont été tués ou blessés par le FLN dans l’Hexagone au cours des trois années écoulées. À Paris, la tension est extrême au point que les policiers de quartier sont équipés de gilets pare-balles et que des sacs de sable protègent même les commissariats. C’est donc la guerre sur notre propre territoire avec ses conséquences, ce que ne peuvent pas ignorer nos porteurs de certitude qui n’hésitent pas à manipuler allègrement les faits. Le FLN décide alors d’organiser une manifestation, non pas pour l’indépendance de l’Algérie, contrairement au communiqué de l’Élysée de décembre 2012, mais pour braver le couvre-feu qui est instauré dans la capitale. En effet, à cette date les jeux sont déjà faits sur l’avenir de l’Algérie. C’est donc un coup de force qui ne peut pas être toléré par la République. Par ailleurs, ce coup de force minutieusement préparé repose sur deux volets : le sabotage et l’incendie de certaines installations par des groupes armés et la manifestation proprement dite, non pacifique, composée de manifestants mobilisés pour une très grande partie souvent de force, sous la menace, qui doit envahir le centre de Paris. La manifestation est donc interdite par le Préfet de police mais le FLN passe outre en mobilisant environ 30.000 personnes. Elle est donc fort logiquement réprimée. S’agissant cependant de cette “répression sanglante”, il faut raison garder et il suffit pour cela de consulter les “unes” des grands quotidiens dans les jours qui ont suivi. Ces dernières relatent le caractère violent de la manifestation et dressent un bilan qui ne correspond en rien à l’hécatombe que certains veulent imputer à notre République. Le bilan, en effet, s’établit à 7 morts entre le 17 et le 21 octobre 1961 : 2 Algériens tués par la police (Achour Belkacem et Amar Malek, tous deux agents du FLN) et 1 Français le 17 octobre ; 4 Algériens victimes de règlement de compte entre le 18 et le 21 octobre. Quant aux 200 à 300 manifestants morts noyés dans la Seine, il suffit également de consulter les grands quotidiens qui n’en font pas état puisque aucun cadavre n’a été relevé sur les berges en aval dans les jours qui ont suivi. Sauf à considérer que les journalistes et les habitants des communes qui longent le fleuve se sont rendus complices de cette “répression sanglante” en s’imposant le silence. Mais cela fait beaucoup de monde. Cela étant, on ne retrouve pas non plus ces prétendus cadavres dans les locaux de l’Institut Médico-légal (IML). Enfin, en 1998, Lionel Jospin, alors Premier ministre, constitua une commission chargée de faire la lumière sur ces événements. Fondé sur l’étude d’archives jusque là fermées, le rapport remis fit litière des accusations portées contre la police française. Mais tout cela ne dérange en rien nos porteurs de certitude ou autres procureurs de la bien-pensance.

Par ailleurs, s’agissant d’hommage à la mémoire des victimes, il est regrettable qu’il soit consenti non seulement à sens unique mais, qui plus est, à des terroristes. Car les deux seuls Algériens tués le 17 octobre en soirée par les policiers en état de légitime défense étaient des agents du FLN. Autre réalité étouffée par nos porteurs de certitude, les groupes armés du FLN ont assassiné, sur notre propre sol, entre janvier 1955 et juillet 1962, plus de 6 000 Algériens. Pour l’année 1961, 308 cadavres de Nord-Africains furent admis à l’IML, la plupart assassinés dans la guerre que menait le FLN contre ses opposants partisans de l’Algérie française, et parmi eux de nombreux Harkis, ou du MNA de Messali Hadj. Ces milliers d’Algériens victimes, sur notre sol, du terrorisme en raison de leur hostilité au FLN n’ont-t-ils pas droit, eux, à ce qu’on rende hommage à leur mémoire ?

Que dire, en outre, de nos compatriotes enlevés, torturés, assassinés, massacrés en Algérie, en particulier le 5 juillet 1962 à Oran, jour de la célébration de l’indépendance de ce pays ? L’État algérien a-t-il, depuis, formulé le moindre regret, la moindre excuse, rendu le moindre hommage à la mémoire de ces victimes innocentes d’une folie barbare inexcusable et condamnable ? Car il ne s’agit pas là d’un crime de guerre, la guerre étant terminée et l’Algérie indépendante, donc l’État algérien pleinement responsable. Il s’agit d’une action violente d’épuration ethnique, ce qui relève du crime contre l’humanité ! Alors, plutôt que rendre hommage à la mémoire de terroristes, ne serait-il pas plus légitime de le faire pour nos compatriotes victimes de la barbarie ?

Enfin, les conséquences de tels propos sont désastreuses sur l’unité de la Nation à terme, et sur le vivre-ensemble au quotidien. Il faut bien reconnaître que depuis de nombreuses années le rôle critiquable des élites de notre pays a été déterminant dans l’instrumentalisation de l’histoire avec des conséquences extrêmement néfastes. C’est ainsi que depuis des années, en s’autoflagellant et en culpabilisant la France en permanence, nos responsables politiques n’ont fait qu’injecter le poison de la haine à cette jeunesse des banlieues issue de l’immigration qui est appelée – il serait peut-être salutaire de réviser nos règles d’obtention de la nationalité – à devenir automatiquement française à 18 ans. Il faut arrêter cette fâcheuse tendance qui nous enferme dans une dialectique culpabilisation-victimisation injustifiée et destructrice. Cela ne peut tout naturellement que provoquer une vive inquiétude quant à l’avenir de notre pays qui s’annonce bien sombre. Cette attitude est, au-delà du manque de lucidité et de clairvoyance qui la caractérise, irresponsable et relève d’un comportement pathologique qui s’est répandu étrangement parmi nos élites et médias de tous bords politiques d’ailleurs et qui relève peut-être de la psychiatrie. Il serait donc temps de traiter sereinement du passé au lieu de renier notre histoire. Il n’y a, en effet, aucune raison de nous repentir pour avoir, en 130 ans de présence en Algérie, non seulement construit mais fondé ce pays qui n’existait pas en tant que tel mais se trouvait, en 1830, dans un état moyenâgeux, sous le joug des Turcs qui n’ont cessé pendant plusieurs siècles d’écumer la Méditerranée et ses côtes à la chasse permanente d’esclaves. Entre 25 000 et 30 000 esclaves européens ont été libérés à Alger après le débarquement des forces françaises ! Alors, soyons sérieux.

Général (2s) Antoine MARTINEZ

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