SOUTENONS LES ITALIENS
ET LE GOUVERNEMENT QU’ILS ONT DÉMOCRATIQUEMENT ÉLU
[deuxième partie]
(Jean Goychman)

Sergio Mattarella

Les choses se sont accélérées en Italie depuis le dimanche 27 mai. En refusant de nommer Pablo Savona, ancien banquier opposé à la monnaie unique, au poste de ministre des finances, le président italien Sergio Mattarella a conduit le Premier Ministre Giuseppe Conte, qu’il venait pourtant de confirmer dans son poste, à la démission.

 


Première partie (rédigée avant le coup d’État du dimanche 27 mai 2018) : cliquez ici.


Une décision contestable du président Mattarella

Carlo Cottarelli

La lecture de la constitution italienne n’est pas d’une aveuglante clarté quant aux pouvoirs du président, dont le rôle exécutif est assez limité, voire formel. Cela donne une impression de panique chez les eurocrates qui ont l’air bien décidés à employer tous les moyens pour garder leur mainmise sur les peuples européens. N’étant plus au stade des politesses feutrées et des atermoiements de circonstances, Sergio Mattarella ne fait pas dans la dentelle et va nommer comme Président du Conseil un certain Carlo Cottarelli, ancien haut dirigeant du FMI.

 

Choix subtil ou provocation délibérée ?

Après tout, l’Italie n’a plus de gouvernement depuis le mois de mars. Le choix de Giuseppe Conte était un choix plutôt consensuel que Mattarella avait finalement approuvé. Il ne pouvait pourtant feindre d’oublier le résultat sans équivoque des dernières élections, dans lesquelles plus de 70% des participants avaient voté contre le système européen actuel. Le programme de gouvernement choisi par la coalition de la Lega et du M5S était également sans ambiguïté et conforme au souhait majoritairement exprimé par le peuple italien. Si cela n’avait pas plu au président italien, rien ne l’empêchait de démissionner car, après réflexion, il pouvait considérer qu’il ne représentait plus un courant majoritaire, son parti chrétien démocrate ayant subi un net revers.

Or, non seulement il se maintient, mais il nomme un Président du Conseil qui n’a quasiment aucune chance de se voir voter la confiance, étant plutôt, de par son action passée, notamment au FMI, aux antipodes des aspirations de la nouvelle majorité. Ils l’avaient même surnommé « Monsieur ciseaux » ce qui en dit long…

Dans ces conditions, il paraît très probable qu’il ne puisse se maintenir longtemps en fonction. Il y a donc fort à parier que les électeurs italiens seront bientôt invités à revoter.

 

Ce schéma peut-il se reproduire longtemps ?

Personne ne le sait. Tout dépendra du résultat des prochaines élections, si elles ont lieu. Mais jusqu’à présent, on a plutôt constaté que les partisans d’une Europe « intégrée » n’étaient pas du genre à s’avouer vaincus par un vote populaire, qu’ils baptisent volontiers de « populiste ». Ils seraient même plutôt enclins à faire revoter jusqu’à l’obtention d’un résultat qui leur serait favorable.

Cela peut se produire par lassitude des électeurs qui ont le sentiment qu’ils ne servent à rien et que la démocratie n’est finalement qu’un leurre, une sorte d’attrape-gogos qui n’engage « que ceux qui y croient ».

Seul résultat tangible, les europhiles ont gagné quelques mois. Mais il y a aussi le risque de voir la coalition Lega–M5S exploser en vol, et c’est probablement leur espoir secret. Ils connaissent les divergences qui existent et on peut compter sur eux pour les mettre en lumière et, si possible, les aggraver.

Le peuple doit tenir bon et ne pas se laisser berner

Certains journaux allemands n’ont pas attendus pour jeter « de l’huile sur le feu » en réagissant promptement aux propos de Pablo Savona qui avait décrit l’euro comme une « geôle allemande ».

En réponse, Der Spiegel écrivait :

« La Ligue et le M5S sont “des pique-assiette” : comment pourrions-nous définir autrement le comportement d’un pays qui demande de financer le farniente et qui menace ensuite ceux qui sont sommés de régler leurs dettes ? Au moins, les clochards disent merci quand on leur donne quelque chose. »

Ces propos sont d’autant plus déplacés que la dette italienne appartient presque entièrement… aux Italiens.

 

Faisons confiance aux italiens

La meilleure façon de ressouder un peuple qui aurait tendance à se diviser est de l’attaquer de l’extérieur. Beaucoup de nations (dont la nôtre) se sont construites ainsi. S’ils acquièrent la certitude que le danger peut venir de l’étranger, même les plus europhiles des italiens (et Dieu sait combien ils étaient nombreux à s’enthousiasmer pour l’Europe il y a 60 ans) pourraient alors s’en détourner et faire passer la réalité nationale italienne devant ce qui se révèle de plus en plus comme étant une « tromperie européenne ». Quand un peuple entier se met en marche et qu’il a confiance dans ceux qui le dirige, plus rien ne l’arrête.

 

Quelles sont les perspectives ?

Cette actualité italienne met en évidence un autre phénomène : celui du divorce de plus en plus marqué entre les peuples européens et les élites qui prétendent les diriger. Tout se passe comme si les élections n’avaient pas lieu ou, pire encore, ne changeaient rien.

En Espagne Mariano Rajoy, par exemple, bien que battu électoralement est toujours en place. En Angleterre, personne ne peut dire si le BREXIT aura bien lieu, alors que le résultat du référendum était sans appel. En Allemagne même, la nouvelle coalition d’Angela Merkel est strictement identique à l’ancienne, alors que les électeurs avaient clairement marqué leur désapprobation, notamment concernant la politique d’immigration. Tout ceci donne l’impression d’une Union Européenne « en pilote automatique » et dont le seul objectif des dirigeants serait de se maintenir coûte que coûte dans leur fauteuil. Et cela dure depuis des années.

 

Les élections européennes de 2019 vont être cruciales

Car les choses ne se calmeront pas. La politique du « rien ne bouge » n’a jamais donné de bons résultats. Les élections européennes de l’année prochaine (à moins qu’elles soient supprimées pour cause de populisme) seront une véritable croisée des chemins. Les peuples majoritairement opposés à l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui auront l’occasion de s’exprimer simultanément et la raclée risque d’être sévère. Le seul argument qui nous est opposé est celui de la ruine qui nous guetterait immanquablement si nous ne votions pas « bien ». En d’autres mots, cela s’appelle du chantage. Et c’est totalement faux ! Nombres d’économistes, parmi lesquels on trouve de grands noms, dont la liste s’allonge chaque jour, n’hésitent plus à conseiller de quitter cette monnaie unique qui renforce les États économiquement forts au détriment des plus faibles, alors qu’elle avait été créée (soi-disant) pour faire l’inverse.

Que les électeurs européens s’en souviennent l’année prochaine…

 

Jean Goychman
29/05/2018