“REACTIONNAIRE” : EST-CE UNE INJURE ?
(Eric de Verdelhan)

« Réactionnaire : qui appartient à la réaction (au sens politique) » 

(Définition du « Petit Larousse illustré »)

Qu’est-ce qu’un réactionnaire ? Et suis-je moi-même un réactionnaire ?

Ce qualificatif, qui, de nos jours, est presque une insulte, ne saurait se résumer à la définition sommaire du « Petit Larousse ». Alors faisons appel à « Wikipédia » qui est devenu, au fil du temps, l’outil indispensable de la sous-culture branchée : l’encyclopédie des gens qui n’ont plus le temps de lire (et encore moins d’étudier) mais qui vont chercher, en quelques clics sur Internet, le vernis superficiel et mono-couche qui leur tient lieu de culture. Mai 68 a intellectualisé des imbéciles, Internet leur a fait croire qu’ils savent tout.
Donc, que dit « Wikipédia » ?

« Une réaction désigne la politique prônant un retour à une situation passée réelle ou fictive, révoquant une série de changements sociaux, moraux, économiques et politiques. Un partisan de la réaction est nommé « réactionnaire ». Le terme s’oppose à révolutionnaire, à progressiste, ces derniers employant de façon raccourcie le mot « réac », pour désigner péjorativement toute personne identifiée comme réactionnaire qui s’oppose aux idéaux qui se veulent progressistes. Réactionnaire s’apparente aussi à conservateur… »

Même si c’est mal torché, je suis assez d’accord – une fois n’est pas coutume – avec la définition de « Wikipédia » : le mode de pensée réactionnaire rejette souvent un présent perçu comme « décadent » et prône un retour  vers un passé parfois idéalisé.

Le terme serait apparu – mettons ça au conditionnel ! – au cours de la Révolution, pour qualifier les gens opposés  aux idéaux révolutionnaires, et qui rêvaient à un retour à la Monarchie d’Ancien Régime.

Les religions – et en particulier le Catholicisme – sont  souvent  qualifiées de réactionnaires par ceux qui se réclament d’un progressisme  généralement athée.

Ces derniers clament leur opposition à tous les philosophes « religieux » (comme Louis de Bonald, Joseph de Maistre ou François-René de Chateaubriand).

Karl Popper parle de «croyance progressiste », laquelle conduit, non pas à construire la connaissance mais à identifier la religion comme génératrice de préjugés et donc, finalement à chercher à abolir la religion. Les loges maçonniques ont joué un rôle prépondérant dans la lutte contre le Catholicisme, en France, en 1789, mais on peut en dire autant de l’Espagne et du Portugal…

Le terme « réactionnaire » est donc, en général, utilisé pour désigner de manière péjorative une personne s’opposant  aux changements de la société, au progressisme, aux idées nouvelles…

Bref, la réactionnaire  serait  une sorte de ringard, passéiste, vieux jeu, réfractaire aux progrès de la science. Dans les pays communistes, c’était déjà une insulte adressée aux dissidents (et aux démocraties occidentales). L’insulte a été reprise depuis par presque toute la classe politique : la gauche, les centristes et les libéraux.

Dans « L’Opium des intellectuels » (1955), Raymond Aron note que le mot « réaction » peut servir à forger un ennemi imaginaire pour faciliter la cohésion d’un camp politique progressiste.

Il écrit, par exemple, que « Radicaux et Socialistes ne se sont réellement accordés que contre un ennemi insaisissable, la réaction ». Reconnaissons que Macron a bien retenu la leçon !

Le terme a été utilisé par Daniel Lindenberg, dans « Le rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires » (2002), pour qualifier – ou disqualifier – certains  intellectuels qui ne buvaient pas comme du petit lait la doxa socialiste.

Au-delà de ce (mauvais) livre, l’expression « réactionnaire » sert à désigner, à critiquer, à diaboliser une frange d’individus – intellectuels, décideurs, hommes politiques – qui osent faire l’apologie de l’ordre moral, de la sécurité, du patriotisme et de l’identité nationale.

Le plus amusant c’est que le terme « réactionnaire » stigmatise généralement ceux que la gauche considère comme des renégats du fait de leur conversion à des croyances nostalgiques  et qui, inquiets de la dégénérescence de notre société, prônent un retour à  l’ordre moral, à l’autorité, à la restauration des valeurs, voire au culte du passé, des racines et des identités.

Maurice Maschino, en bon commissaire politique, désigne à la vindicte populaire : Alain Finkielkraut, Eric Zemmour, Elisabeth Levy, Ivan Rioufol, Pascal Bruckner… et quelques autres, ainsi que des auteurs comme Michel Houellabecq et Maurice Dantec.

Il est vrai que ces gens-là viennent presque tous de la gauche.

J’y vois, pour ma part, une évolution normale et très positive chez des gens intelligents.

En 2007, Pierre-André Taguieff, a répliqué dans : « Les Contre-réactionnaires. Le progressisme entre illusion et imposture ». Selon lui, les vrais réactionnaires sont ceux qui utilisent le terme pour disqualifier leurs opposants. Il parle, à juste titre de « terrorisme intellectuel » voire d’« inquisition ».

Pour lui, « le progressisme, c’est la foi dans le progrès sans l’esprit critique ni le sens de la tolérance, avec la conviction dogmatique de posséder la vérité et d’être installé dans le bien…. Si les réactionnaires n’avaient pas existé, les progressistes les auraient inventés… »

Le philosophe Rémi Brague pose la question qui tue : « Le prétendu « réactionnaire » est-il le seul vrai « progressiste » ? » Et il a parfaitement raison, car le réactionnaire n’est pas réfractaire au progrès. C’est un individu – je suis de ceux-là – qui place le bon sens avant tout, se méfie de la nouveauté, des effets de mode, de ce qui est « tendance », sans pour autant tout condamner.

Il est partisan d’un ordre moral – base de toute civilisation – et ne se jette pas aveuglément vers les nouvelles idéologies. Il est adepte de l’« empirisme organisateur » tel qu’il a été défini par Charles Maurras : connaître et comprendre notre passé pour mieux envisager l’avenir.

Je pense, sincèrement, être un réactionnaire, un « affreux réac », car je me définis souvent comme « un homme de progrès, pas de changement pour le changement ».

Je pense que notre société s’est bâtie, au fil des siècles, sur le décalogue chrétien qui a inspiré  le « Code Napoléon » et qui reste, qu’on le veuille ou non, la base de l’Ordre social chrétien qui a permis à notre société de fonctionner – plutôt bien – durant 1800 ans.

En tuant « le Trône et l’Autel » les révolutionnaires de 1789 ont tué aussi cet ordre social qui nous évitait de nous comporter en barbares. Les philosophes des Lumières, qui furent les maîtres à penser des dirigeants de cette époque funeste – tous ou presque instruits en Loges maçonniques – ont réussi à faire disparaître la notion du  bien et du mal au profit de la seule raison.

Leurs héritiers, socialistes ou assimilés, ont fait évoluer ce concept mortifère : si l’homme, débarrassé de « la superstition », ne fait plus la différence entre le bien et le mal, s’il ne suit que ses instincts et ses désirs, il n’a plus aucun devoir, il n’a plus que des droits.

On voit où nous a mené cette idéologie fumeuse !!!

Eric de Verdelhan
28 février 2020
  
  

2 Commentaires

  1. Il faut préciser que le soi-disant progressisme est le plus souvent synonyme de décadence et de nivellement par le bas. Essayez de passer à ce filtre toutes les mesures progressistes prises depuis 50 ans et vous serez surpris à quel point elles peuvent être qualifiées de décadentes et de ayant engendré un nivellement par le bas.

    • Non seulement la décadence de par le nivellement par le bas, mais encore la pauvreté, la bêtise, la haine, ceci, si on laisse les rats progressistes par trop se gaver du fromage des autres au nom du socialisme. Au nom de la défense de l’emploi, de la défense du bien public, de l’humanisme, de l’anticapitalisme, au nom de ce que vous voulez. Mais, quand ils auront tout dévoré jusqu’aux dernières croûtes, quand donc devenus obèses, ces gros cochons de rats progressistes, cigares au bec, se mettront à péter en rafale dans de la soie volée, ce n’est qu’alors que “le peuple” qui se croyait “souverain” – naïf le mec ! – se retrouve gros-jean comme devant et dans une misère des plus abjecte. Il n’y a pas d’exception qui infirmerait la règle, ça finit toujours comme ça.

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