Prélever l’impôt à la source est une fausse bonne idée. Beaucoup de Français y sont favorables parce que cela leur facilite l’exercice du devoir fiscal et leur enlève l’angoisse du tiers provisionnel ou du prélèvement mensuel. Quand ils ont une dépense à faire, ils regardent le solde de leur compte bancaire sans avoir à se soucier d’un futur prélèvement. C’est par contre une mise en place difficile pour le gouvernement, mais c’est son problème, puisqu’il veut changer le système, qu’il le fasse et ne nous embête pas avec les détails. Il y a 110000 fonctionnaires à Bercy, il faut bien les occuper à autre chose que les mots croisés, le Sudoku et la lecture des magazines.
Beaucoup de pays pratiquent le prélèvement à la source et en sont satisfaits. C’est vrai, avec une nuance cependant, petite mais cruciale : ils ont des gouvernements honnêtes qui, si la moindre entourloupe est décelée par le peuple, la presse ou l’opposition, sont immédiatement sanctionnés par la démission du ministre concerné, voire de tout le gouvernement. Ce n’est pas le cas chez nous où des escrocs notoires siègent au conseil des ministres et à la tête du parti majoritaire, ce que le président appelait “la République exemplaire”, sans jamais avoir précisé exemplaire en quoi. En filouteries en tous genres semble-t-il.
Il y a bien des sanctions qui tombent, mais Cahuzac a-t-il tout remboursé ? On n’en sait rien la justice enquête toujours.
Thévenoud a-t-il tout remboursé ? Il siège toujours tranquille à l’Assemblée. Agnès Saal a-t-elle tout remboursé ? En partie : 15 500 euros environ sur les 40 000 de frais de taxis qu’elle a facturés à l’INA (6 500 pour les taxis de son gamin, 6 000 pour ses déplacements privés, 3 000 pour on ne sait quoi, mais le reste ?) et rien pour le moment sur les 36 000 euros de taxis facturés au Centre Pompidou. Elle y aurait travaillé quelques années et elle en a assuré la direction pendant quelques mois. La direction du Trésor pense qu’il s’agirait purement et simplement d’une escroquerie aux fonds publics qui pourrait se monter à 400 000 et non 36 000 euros, ce qui n’empêche pas la dame être toujours conseillère dans un ministère.
Manuel Valls a-t-il tout remboursé ? 2 500 euros pour les places avion de ses deux fils, mais le reste pour ce déplacement privé à plus de 15 000 euros ?
Cela pour dire qu’il manque un volet important à la mise en place de cette mesure technique qui permettra au gouvernement de jouer sur un effet agréable mais malhonnête du prélèvement à la source : comme les contribuables finissent par oublier le montant précis qu’ils ont à payer chaque mois, qui n’apparaît que comme une ligne supplémentaire dans le roman de leur fiche de paie, de petites augmentations décidées en douce par le gouvernement passeront inaperçues. Autrement dit, le consentement à l’impôt qui est l’un des fondements de la démocratie est bafoué impunément par l’État.
Vous direz que ne c’est pas grave, il y a longtemps que nous avons glissé doucement de l’état de République démocratique une et indivisible à celui de république bananière dirigée par des prédateurs sans scrupules. C’est vrai, et c’est pour cela qu’il faut commencer à poser des barrières à la prédation étatique en imposant au gouvernement une obligation : une fois le budget voté, en supposant gentiment que la façon dont il est discuté à l’assemblée ait quelque chose de démocratique, ce qui est loin d’être évident puisque la plupart (environ 80 %) des dépenses sont déclarées a priori intouchables, il devrait être interdit au gouvernement de le bouger d’un euro sans référendum, comme en Suisse.
Parce que c’est trop facile ! On lui donne notre porte-monnaie et il se sert. Et ce n’est pas un choix réfléchi du contribuable, c’est une obligation. Or, oui le paiement de l’impôt est un devoir, on ne le conteste pas, mais il ne l’est que s’il y a eu préalablement un plein consentement et s’il y a un contrôle réel de la dépense. La Cour des Comptes en est chargée et le nombre de rapports critiques qu’elle produit chaque année témoigne qu’elle fait du bon travail, mais elle ne dispose d’aucun moyen de contrainte pour obliger le gouvernement et les administrations à respecter leur parole de ne dépenser, et honnêtement, que les sommes qu’ils ont été autorisés à dépenser par la loi de finances.
C’est pourquoi l’argent paraît tellement facile à l’élite politique du pays : dépensons, “c’est l’Etat qui paye” dit le président qui est à fond dans l’état d’esprit exprimé par une chanson tahitienne qui a fait le tour du monde, dont le refrain est “Vas-y, c’est la France qui paye“.
Tu es politicien et tu as envie de donner un petit boulot facile, bien payé et sans obligation d’horaires à ta femme et à ta fille ? Vas-y, c’est la France qui paye !
Tu as envie d’organiser une course de pirogues pour rigoler avec les copains et il te faut une subvention ? Vas-y, demande à ton député, c’est la France qui paye !
Tu es haut-fonctionnaire et tu préfèrerais un beau 4×4 à la Clio de service ? Vas-y, c’est la France qui paye !
Tu as envie d’assister à un match de foot à l’étranger et c’est toi qui a autorité sur les avions de l’État ? Vas-y, c’est la France qui paye !
Tu as envie daller faire la tournée des bistrots à Tulle pour rameuter ton électorat à la veille d’une élection ? Vas-y, prends l’avion présidentiel, c’est la France qui paye !
On est loin du Danemak où les ministres vont en vélo à leur ministère ; de l’Allemagne où ils prennent leur voiture privée pour rentrer chez eux le soir, dans leur domicile privé dont ils paient le loyer, l’eau et l’électricité et qui prennent les lignes aériennes régulières pour leurs déplacements professionnels, même Angela Merkel ; de la Suisse où pas une dépense, même communale, non prévue ne peut être faite sans une votation de la population. C’est incontestable, nous sommes bien dans une république bananière et les autres, même les monarchies européennes, dans des systèmes politiques démocratiques exemplaires.
Cela dit, pourquoi François Hollande tient-il fortement à ce qui n’est pas une “réforme”, mais seulement un changement technique du mode de perception de l’impôt, soit tout d’un coup une urgence nécessitant que tout le gouvernement s’implique pour la faire voter, mais en précisant lui-même que ce prélèvement à la source “sera pleinement appliqué en 2018” ?
Et si c’était tellement important, pourquoi avoir attendu trois ans de sorte qu’elle ne sera pas applicable dans le temps du mandat ?
Parce qu’ayant échoué partout, il veut au moins une réforme visible et acceptée des Français avant 2017, qu’il pourra appliquer en 2018 si par miracle il est réélu ce qui lui permettra d’augmenter aussitôt ou presque les impôts sans que les Français en aient clairement conscience dans la pagaille qui s’en suivra.
S’il n’est pas réélu, c’est un piège d’impopularité tendu à son successeur dès que les Français se rendront compte qu’ils ont été une fois de plus blousés. Cette réforme “doit être bien menée pour être bien mise en œuvre, étape par étape, et ça ne peut pas se faire en moins de trois ans“, se justifie François Hollande, qui en réalité souhaite par cette astuce faire oublier l’absence de résultats dans la lutte contre le chômage qui sera encore en hausse en juin, annonce INSEE passée inaperçue grâce à l’affaire de l’attentat de l’Isère.
Maître Thierry Bouclier a expliqué en terme simples en quoi il y a une astuce et une forme d’escroquerie : “L’inconvénient majeur de la retenue à la source – pour le contribuable mais pas pour l’État – a été souligné : il atténue sa vigilance. L’impôt étant payé en amont, le contribuable finit par oublier qu’il le paie. Son augmentation devient donc inodore. En un sens, cette technique viole le consentement à l’impôt. Elle nous ramène au XIXe siècle lorsque le système fiscal, qui n’était pas sans défaut, ignorait le contribuable pour ne connaître que la matière imposable.
Il existe un autre inconvénient. La retenue à la source implique qu’un tiers retienne. Cela nécessite que la population se compose exclusivement de salariés. Or, la population française n’est pas homogène. 13 % des contribuables, soit près de 2.700.000 personnes, ne sont pas salariés. L’introduction de la retenue à la source portera nécessairement atteinte au principe d’égalité devant l’impôt. 2.700.000 commerçants, industriels, artisans, professions libérales ou agriculteurs pourront s’acquitter de leur impôt sur le revenu douze mois après que le prélèvement a été effectué sur les titulaires des traitements et salaires“.
Et il y a une autre feinte qui va coûter cher aux familles, ennemi juré du socialisme : Hollande veut mettre fin, à terme, à la personnalisation de l’impôt. “Et quel est le symbole de cette personnalisation ? Le foyer fiscal et le fameux quotient familial ! Un couple marié – ou pacsé – avec des enfants à charge voit sa charge fiscale réduite. Plus le nombre d’enfants augmente, et plus le montant de l’impôt diminue. Le quotient familial est déjà plafonné, il faut maintenant le faire sauter. La retenue à la source le permettra. Après la mise des allocations familiales sous condition de ressources, la boucle sera bouclée.
La réforme n’est pas seulement technique. Elle est également idéologique“. C’est ainsi que Hollande espère tromper les Français pour augmenter les recettes fiscales de l’Etat et éviter d’avoir à entreprendre les vraies réformes qui permettraient de réduire la dépense de l’Etat et la dette nationale.
Enfin, il y a une question que Michel Sapin a provisoirement écarté en mai dernier, c’est celle de la fusion de la CSG avec l’Impôt sur le Revenu “qui augmenterait l’impôt“. La CSG rapporte plus que l’IR, 90 milliards contre 70. Seulement, avec les socialistes, une promesse de plus n’est pas un engagement définitif. Il faut se souvenir que cette fusion CSG-IR est une promesse (n°14) de François Hollande qui y tient beaucoup, “dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu“, c’est à dire le prélèvement à la source. Pour respecter les règles constitutionnelles, le nouvel impôt devrait être “global, progressif et prendre en compte les revenus du foyer“, soulignait le rapport Lefebvre/Auvigne l’an dernier. Une fusion provoquerait aussi de nombreux transferts entre contribuables, tout simplement parce qu’une partie de la CSG serait transférée sur les classes moyennes et supérieures.
À moins que le gouvernement ne profite de la situation trouble que créera le changement fiscal pour imposer à l’IR même les plus pauvres de manière à ce que tous contribuent à l’effort de financement de l’État obèse à proporiton de leurs moyens. Autant dire que si ce projet n’a aucune chance de voir le jour avant la fin du mandat, le chef de l’État ayant promis dans le contexte d’exaspération fiscale actuel qu’il n’y aura “pas d’impôt supplémentaire sur qui que ce soit” en 2015 et 2016.
Mais s’il est réélu en 2017 et assuré d’avoir cinq ans devant lui, que décidera cet accro à toujours plus d’impôts ?
L’Imprécateur