UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE EN TROMPE L’ŒIL ? (Yann Bizien)

 

 

Nos Députés de la nation examinent actuellement le contenu de la Loi de programmation militaire. Cet examen fait appel a beaucoup de technicité et à des compétences spécifiques.

La France tente de garder la première armée européenne | Les Echos

 

LE SUJET EST SUFFISAMMENT GRAVE ET SÉRIEUX. IL NE FAUT PAS LE NÉGLIGER.

Car les armées se construisent en permanence, dans le temps long de la vision, de la constance, de la cohérence, d’une ambition de défense et de la stratégie.

Faut-il s’étonner des ambiguïtés d’Emmanuel Macron sur la programmation militaire quand il évoque en même temps le besoin de durcir nos armées pour être prêt à un conflit majeur de haute intensité et qu’il délivre en permanence, « aussi longtemps que nécessaire », des équipements offensifs et défensifs au président Zelenski, réduisant ainsi le volume de nos armements et ressources disponibles ?

Jusqu’à quand les Français vont-ils accepter – sans pouvoir s’exprimer sur cette co-belligérance – ce soutien politique, financier et militaire coûteux qui fait des centaines de milliers de morts et qui voit des munitions et des matériels militaires occidentaux « partir en fumées » quand un « cessez le feu » sur la ligne de front actuelle est possible, comme entre les deux Corées ?

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Mobilité, polyvalence et cohérence peuvent-elles constituer la seule priorité de l’exécutif, entre les combats actuels et ceux de demain, entre capacités conventionnelles et capacités émergentes, entre haute intensité, hybridité et influence, quand cette Loi de programmation militaire ne prévoit pas d’augmenter de façon significative le potentiel humain de nos forces armées, qu’elle n’autorise toujours pas un second porte-avions en ligne, que ce pouvoir n’a plus l’ambition de la permanence de la projection de puissance par la mer, que notre aéronautique navale reste miniature, que la France ne dispose que d’une quinzaine de Frégates fortement armées, que le nombre de bâtiments ravitailleurs de forces reste limité à quatre, que notre industrie de défense demeure fragile, qu’elle ne fournit plus leurs armes de poings aux armées, qu’elle ne fabrique plus de chars depuis 2008 et que les efforts financiers ne sont réellement envisagés qu’après le second quinquennat du président sortant ?

Nos armées pourront elles « traverser les périls du siècle » dans ces conditions ? Le président français est-il certain d’améliorer la résilience de notre outil de défense et sa capacité à durer dans un conflit majeur quand nos stocks de munitions restent ridicules derrière les apparences de la communication gouvernementale ?

Notre supériorité opérationnelle militaire est-elle concrètement assurée dans le temps et dans l’espace du fait de nos vulnérabilités tant sur nos stocks de munitions, trop limités, que de nos fragilités révélées sur ses ressources humaines trop comptées ?

Autre question, notre solidarité avec l’Ukraine peut-elle avoir une « limite rouge » au-delà de laquelle elle ne serait plus financièrement, politiquement et démocratiquement acceptable ?

Cette guerre en Ukraine est une guerre d’usure et d’attrition. Pourrons nous tenir cet effort longtemps, quand on sait que la France est déjà en situation de faillite, que de nombreux militaires mal payés quittent les armées, qu’elles ont du mal à recruter en quantité et en qualité, à fidéliser leurs richesses humaines, que leur épaisseur logistique reste fragile et qu’Emmanuel Macron « racle les fonds de tiroir » pour soutenir le régime corrompu de Kiev qui ne partage pas la même rationalité que nous ?

En cas de SNU obligatoire, des familles se préparent à désobéir « même s'il y a des risques » - Basta!Y a-t-il encore un esprit de défense chez les jeunes et chez une certaine classe politique à gauche, quand on voit l’échec du Gouvernement pour mobiliser une classe d’âge sur le projet désavoué du SNU à la « Macron » ?

La volonté de repousser la limite d’âge de la réserve opérationnelle à 70 ans n’est-elle pas un signe d’impuissance et de faiblesse adressé à nos adversaires ? L’exécutif peut-il compter sur un apport et sur un effet de « masse » de la réserve, quand on sait que les armées n’ont jamais pu atteindre leurs cibles de recrutement ? Bref, l’autonomie stratégique revendiquée par Emmanuel Macron n’est-elle pas encore une fois de la « poudre aux yeux quand la guerre peut nous surprendre à tout moment ?

Souvenons-nous, de nombreux observateurs avisés considéraient, de manière tout à fait rationnelle, en février 2022, que cette guerre était fort improbable dans la mesure où la Russie ne pouvait pas la gagner et que son coût serait considérable, sur le plan tant humain qu’économique ou politique. Et pourtant, le 24 février, la Russie passait à l’action Elle pensait, à tort à son tour, que l’Ukraine tomberait comme un fruit mûr, elle surestimait la puissance des forces armées russes et de son réseau d’influence en Ukraine, et elle sous-estimait les capacités de résistance ukrainiennes et la réaction des Occidentaux.

LES MENACES NE SE SUCCÈDENT PLUS, ELLES SE CUMULENT.

La guerre ne se déclare plus. Elle peut durer 20 ans. Elle entame sérieusement le potentiel financier d’un pays. Elle tue. Elle use les Etats et les opinions car elle demeure un affrontement des volontés et des forces morales. Elle peut toujours subir l’imprévisible et la surprise stratégique. Car c’est aussi une guerre de la ruse, du digital, du cognitif, de l’innovation et des intelligences, entre tradition et modernité.

C’est un grand classique de l’art de la guerre. Le spectre des savoirs est très large. Les Ukrainiens ont transformé leur armée, leur doctrine et leur manière de faire la guerre. Ils combattent non plus comme leur voisin russe, mais comme les armées standardisées de l’OTAN. Ils combinent technologies et systèmes civils et militaires, y compris dans le domaine spatial. Ils disposent de nombreux capteurs pour élaborer leur catalogue de ciblage. Ils s’attachent à optimiser leur processus décisionnel et à gagner de l’agilité face à la rigidité russe pour intervenir plus efficacement sur les vulnérabilités de l’adversaire et produire davantage d’effets militaires. Ils partagent désormais dix fois plus de renseignements avec leurs alliés occidentaux. Et ils mènent une redoutable bataille de l’information.

Les drones de l'Armée française | DRONE TUTO

Nous voyons sous nos yeux une guerre intégrale et multidimensionnelle. Elle associe des vieux savoir-faire hérités de la 1ère et de la seconde guerre mondiale, la mise au point de tactiques innovantes, mais aussi le cinétique et le non-cinétique dans cinq dimensions : la 2D, avec le combat au sol traditionnel ; la 3D, avec tout ce qui touche aux vecteurs aériens, à la défense sol-air, aux drones, à la lutte anti drones ; la 4D, avec les connectivités et le commandement, qui jouent un rôle majeur en Ukraine ; la 5D, avec les actions dans le champ immatériel : cyber, guerre électronique, guerre de l’information.

La Marine nationale va se doter d'une "frégate numérique" - Zone Militaire

Sur ce vaste théâtre d’opérations, la supériorité aérienne n’a été acquise ni d’un côté ni de l’autre même si les Russes disposent d’un appareil de cinquième génération, le Soukhoï Su-57 — WikipédiaSoukhoï 57, mais en quantité négligeable. Il n’y a pas eu de campagne aérienne initiale qui aurait pu donner ensuite à la Russie une liberté de manœuvre dans les autres milieux, notamment terrestres. Le rapport de forces était pourtant de dix contre un en faveur des Russes, qui bénéficiaient d’un avantage technologique réel, sans pouvoir en tirer toutefois des avantages militaires et opérationnels. L’Ukraine dispose en effet d’une défense sol-air foisonnante qui constitue un rempart difficile à percer.

La Russie a tout de même menée une campagne massive en combinant l’emploi de drones avec celui de missiles de croisière et de missiles balistiques pour des bombardements qui visaient spécifiquement les centres énergétiques civils ukrainiens.

Malgré tout cela, l’Ukraine ne tient plus que grâce aux aides occidentales et à ses forces morales « galvanisées ». Le pays se serait écroulé depuis longtemps sans ce soutien. Mais cette dynamique peut aussi s’épuiser dans cette guerre d’usure. Car la Russie, elle, dispose de la profondeur stratégique d’un État-continent riche en matières premières et de stocks considérables d’armements et de munitions hérités de la Guerre Froide, même si elle a perdu son emblématique Croiseur coulé par deux missiles antinavires tirés depuis le littoral. Elle ne se sent pas seule. A la tribune de l’ONU, 35 pays se sont abstenus et 5 ont voté contre lors du vote de la résolution pour la condamner juste après l’invasion de l’Ukraine.

Enfin, comme le souhaitaient les Etats-Unis, cette guerre aura « décontinentalisé » les flux énergétiques, transformé la géopolitique de l’énergie et éloigné l’économie russe de l’économie européenne.

Cette guerre en Ukraine n’a rien à voir avec la première guerre du golfe en 1991 : trente-huit jours d’opérations aériennes, cinq jours d’opérations terrestres, puis un cessez-le-feu. Elle dure et fait appel à toutes les ressources des nations engagées. Chacun s’accroche sur ses positions. Mais rien n’est réellement entrepris pour une solution acceptable de paix.

La guerre d’attrition vise à épuiser l’ennemi et ses ressources. Le vainqueur sera celui qui pourra supporter son effort de guerre et optimiser ses ressources le plus longtemps.

Dans ce contexte, la nouvelle Loi de programmation présentée par l’exécutif ne fait qu’illusion. Emmanuel Macron ne mouille pas sa chemise : il reporte les efforts budgétaires les plus importants après son second quinquennat parce qu’il reste incapable de décider de combattre ce qu’il y a de plus couteux en France : l’Etat social, celui qui attire tous les profiteurs extra européens, au détriment de l’Etat régalien.

Yann Bizien

16 mai 2023     

3 Commentaires

  1. Le problème de base actuel de l’armée française, c’est qu’elle a été construite pour les Opex en Afrique afin de lutter contre des bandes de pouilleux mal armés. Ensuite son esprit et ses valeurs se sont détériorés. Nombre de jeunes gens patriotes se sont engagés et, vu l’ambiance déplorable et la prévalence donnée aux individus issus de l’immigration, ont démissionné rapidement. Même les anciens disent que l’esprit a changé. Et puis l’armée française est traditionnellement une micro-armée de prototypes en nombre traditionnellement insuffisant. A part le Rafale et le Char Leclerc, tous deux en trop faible nombre, le reste est trop faible et dépassé. Pour de nombreux engins, on en est à cannibaliser les uns pour réparer les autres. Actuellement, l’état-major se rend compte, avec le fameux retard traditionnel, que nos engins ont besoin d’être renouvelés en conception et modernité. On envoie en Ukraine des engins de 40 ans plus ou moins rafistolés, inadaptés au théâtre boueux ukrainien et à contrer les armes russes. A noter que tous les engins de l’OTAN ont du mal sur ce terrain et face à ceux des Russes. Ces Russes que l’on croyait attardés avec un armement dépassé sont devenus des experts en guerre électronique et informatique (de l’aveu de l’OTAN) et ont pléthore d’armement et de munitions grâce à leur puissance industrielle réveillée par les sanctions. La machine est en route et se porte bien. Quant à l’armée Ukrainienne néo-nazie qui protège ce cloaque de corruption, elle est méthodiquement écrasée. Mais le danger est l’OTAN et les Américains qui poussent les Européens à attaquer la Russie (surtout le Royaume Uni) pour se faire massacrer à leur place. Espérons que Trump sifflera la fin de cette récréation morbide et mortelle pour la France. Notre pays doit retrouver son indépendance et revenir à des valeurs et stratégies plus intelligentes, dans la lignée de la vision de Charles De Gaulle.

  2. Et nos élus pourquoi n’exigent ils pas au minimum un débat sur la question ? Tous nos problèmes sont pris à l’envers, il est grand temps de remettre les choses à l’endroit !

    • Nos élus qui devraient défendre leurs électeurs et partant, le pays qu’ils représentent se contentent du Travail Minimum de Représentation Rémunérée. Ils sont bien au chaud, pensent-ils, pour 4 ans encore, sur leur siège qu’ils devront ss doute abandonner dans une nouvelle législature, si le barnum actuel peut tenir jusqu’au bout. A l’AN on n’a finalement que le mouvement des pales d’éoliennes qui elles, ne fournissent qu’un minimum d’électricité, alors qu’on nous en annonçait des productions faramineuses, capables de changer notre façon de vivre!!!! Des 2 côtés, des agitations quasiment improductives!!!

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