CHOISIR SON CAMP… (Éric de Verdelhan)

« La guerre, c’est la guerre des hommes ; la paix, c’est la guerre des idées » (Victor Hugo).
« Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre! » (Charles Péguy) (1).

 

 

Depuis le 24 février 2022, date du début de l’offensive russe contre l’Ukraine, nous n’avons plus d’informations fiables provenant de Russie. Nous devons donc prendre pour argent comptant ce que nous distillent nos médias, acquis à l’Ukraine et tous – sans exception ou presque – admiratifs devant les discours de va-t-en-guerre du vibrionnant Volodymyr Zelensky.

Alors que Macron répète à l’envi que nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, sur injonction de Bruxelles nous avons coupé toutes les chaînes d’informations provenant de ce pays, ce qui n’est pas le meilleur moyen d’avoir une vision objective de ce conflit qui, hélas, s’éternise.

Et il ne se passe pas une journée sans qu’on nous annonce de nouvelles sanctions destinées, parait-il, à punir Poutine alors même qu’elles pénalisent d’abord et surtout l’Europe (et la France).

Mais ces sanctions font les choux gras de « l’oncle Sam »  ou, si vous préférez, de l’oncle Joe Biden (et accessoirement, de la Chine). La Russie est autosuffisante dans de nombreux domaines, il y a fort à parier qu’elle souffrira moins que les pays tributaires – voire totalement dépendants – de son pétrole, de son gaz, de ses métaux rares ou de son blé. On peut donc craindre, entre autres, de nouvelles révolutions provoquées par la famine dans plusieurs états africains déjà instables. 

Il y a quelques jours, nous apprenions que les Russes avaient commis des massacres, des tortures et des viols sur la population civile de Boutcha. Si les faits sont avérés, il s’agit sans doute de « crimes de guerre ».

Faisons un bref rappel sur ce qu’est précisément un « crime de guerre » :

Le « Statut de Rome » (article 81) régit les compétences de la Cour Pénale Internationale pour poursuivre des violations du droit international humanitaire qui reposent sur les Conventions de Genève de 1864, 1906, 1929 et 1949 qui définissent les « crimes de guerre ». Ceci inclut les cas où « une des parties en conflit s’en prend volontairement à des objectifs non militaires, aussi bien humains que matériels ».
Un objectif non militaire comprend « les civils, les prisonniers de guerre et les blessés », et, a fortiori, des localités ne comportant pas de troupes ou d’installations militaires.

En 1945, le procès de Nuremberg a ajouté la notion nouvelle de « crime contre l’humanité », ainsi définie dans la Charte de Londres : « Assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, assassinat ou mauvais traitements des prisonniers de guerre, exécution des otages, pillages de biens publics ou privés, destruction des villes et des villages, que ne justifient pas les exigences militaires ».

Donc, les Russes ont-ils commis des « crimes de guerre » ? Des « crimes contre l’humanité » ?
Ou ont-ils tout simplement fait la guerre comme ils savent la faire, cruellement, sans états d’âme et sans se soucier des vies humaines (2) ?
C’est triste, grave, tragique, mais combien de fois faudra-t-il répéter aux  « Bisounours » que les guerres en dentelles,
les guerres propres, ça n’existe pas ?

Je n’ai aucune compétence en stratégie militaire, je laisse donc des gens plus qualifiés que moi s’exprimer sur ce conflit, mais je pense qu’en l’état actuel des choses, les Russes ne peuvent pas gagner cette guerre : ils y ont engagé à peine 100 000 hommes, et pas forcément leurs meilleurs troupes. En face l’Ukraine est forte d’une armée de 300 000 hommes (plus des milices civiles et la « Légion internationale »), alimentée en armement moderne par l’OTAN.

Mais les gens qui parient sur une victoire ukrainienne oublient que la Russie dispose d’une armée de 900 000 hommes. Poutine n’a pas encore mis le paquet ; il peut encore le faire. Qui sait réellement quelles sont ses intentions ? Pour ma part, je n’en sais strictement rien.
Ce que je pressens, en revanche, c’est une volonté des USA de souffler sur la braise, au risque de nous entrainer vers une Troisième Guerre Mondiale.
Nous, Européens, leur servirions alors de chair-à-canon.

Revenons sur le drame de Boutcha. Nous avons vu des images du maire de Boutcha, Anatoly Fedoruk, hilare et heureux de la libération de sa ville par la vaillante armée ukrainienne.
Cet homme ne semblait ni traumatisé, ni même attristé, et puis, trois jours plus tard, nous apprenions que les Russes avaient massacré et violé des civils.
Durant trois jours, personne n’a donc rien vu ?

On parle pourtant de 340 morts, abattus dans les rues, ce n’est pas rien ! Des journalistes, en mal de sensationnel, ont même parlé d’un « Oradour-sur-Glane ukrainien »… Et aussitôt, le monde libre, USA en tête, a décrété de nouvelles sanctions.

Il me semble que la prudence aurait dû nous imposer d’attendre la visite (et les conclusions) d’une commission internationale neutre avant de pousser des cris d’orfraie ou des vociférations de va-t-en-guerre.

Hier, dotée d’un impressionnant gilet pare-balle, la blonde Ursula von der Leyen, présidente de la CE, s’est rendue sur place et a assuré l’Ukraine de son soutien indéfectible, ce qui  revient à dire qu’elle a définitivement choisi son camp, ce que nous savions depuis le 24 février.

La vie m’a appris à me méfier des annonces trop tonitruantes : pendant un demi-siècle on a essayé de nous faire croire que les massacres de Katyn avaient été perpétrés par les Boches.

On se souvient des charniers de Timisoara, en 1989, ce bobard destiné à « légitimer » l’exécution de Nicolae Ceausescu, le tyran communiste roumain, et de sa femme. On se souvient aussi des « armes de destructions massives » de Saddam Hussein.

L’armée française a également fait les frais de cette indignation sélective : quelques années après la fin de la guerre d’Algérie, assez régulièrement, la presse de gauche nous annonçait que les Algériens avaient découvert des charniers imputables aux soldats français. Et puis, après enquête, on s’apercevait à chaque fois que les cadavres – souvent atrocement mutilés – étaient ceux de Harkis ou bien des victimes des règlements de compte entre factions du FLN, après l’indépendance de l’Algérie.

On a oublié que l’« Armée des frontières »  de Houari Boumediene a tué en quelques mois, presque autant de Musulmans que l’Armée française de novembre 1954 à  juillet 1962.

Des mensonges de cet acabit, nous en avons subi des dizaines, voire des centaines, et plus c’est gros, mieux ça fonctionne auprès des naïfs et des imbéciles !

Aussi, tant pis si je me fais agonir une nouvelle fois par les bien-pensants, mais j’estime que je n’ai pas de leçons d’humanisme, pas de devoir de compassion ou de commisération, à recevoir de gens qui ont cramé à la bombe incendiaire 100 000 personnes – principalement des civils – à Tokyo ; 35 000 à Dresde ; qui ont irradié environ 300 000 personnes à Hiroshima et Nagasaki, à la bombe atomique ; et qui ont détruit en gros 100 000 femmes et enfants avec du Napalm, au Vietnam.

La liste des méfaits de ces grands humanistes n’est pas exhaustive. Le vieux Joe Biden, après avoir traité Vladimir Poutine de boucher, a décrété que Boutcha était un « crime de guerre majeur ».

Qu’est-ce qu’un « crime de guerre majeur » ? Je suppose que c’est une étape entre le « crime de guerre » (mineur ?) et le « crime contre l’humanité » ?
Les Américains ont toujours fait preuve d’un art consommé pour définir, désigner et condamner le mal !

En 1999, l’OTAN a bombardé les civils de Belgrade pendant 78 jours, avec des armes à sous-munitions et des obus à l’uranium appauvri. La campagne aérienne a duré du 24 mars au 10 juin.
Selon l’ONG « Human Rights Watch », ces bombardements ont tué 528 civils.

L’OTAN a (comme toujours), invoqué des « dommages collatéraux ».
Les États-Unis étant l’incarnation du camp du bien, jamais un dirigeant des USA n’a été poursuivi pour « crime de guerre ».

Disons aussi que j’en ai assez de l’émotion surjouée, de la sensibilité forcée et des envolées sentimentalo-pleurnichardes à géométrie variable ; assez que certains crimes soient excusables voire légitimes et d’autres aussi horribles qu’impardonnables ; assez que l’histoire officielle aille toujours dans le même sens ; assez qu’on veuille m’expliquer, comme si j’étais un enfant ou un débile mental,  où est le bien et où est le mal. Ma passion pour l’histoire contemporaine non « bidonnée » m’a appris à faire la part des choses.

Je vais conclure par une anecdote, pour illustrer mon propos :

Il y a trois jours, j’étais à un dîner et j’avais comme voisine une dame – ancienne enseignante en espagnol – qui connaissait bien le Chili « qui a tant souffert de la dictature de Pinochet ».

Rappelons, juste pour mémoire, qu’après un coup d’État dans la nuit du 10 au 11 septembre 1973, le général Augusto Pinochet s’est maintenant au pouvoir durant… 17 ans. Selon les estimations les plus pessimistes (3) durant ces 17 années, 227 938 personnes ont été tuées (dont 957 disparus), et 130 000 personnes ont été détenues dans les prisons de la dictature chilienne.

Ces chiffres sont impressionnants, je n’en disconviens pas mais, en gros à la même époque, tous nos intellectuels (4) applaudissaient à la « libération » du Cambodge.

Or le nombre de victimes de Pol Pot  est de… 3 100 000 morts pour la période allant d’avril 1975 à janvier 1979, soit 41 % de la population cambodgienne. Pol Pot, mis en détention par ses propres hommes en 1997, est mort l’année suivante sans avoir eu à répondre de « crimes de guerre » ou de « crimes contre l’humanité ».

Durant ce dîner, la conversation est passée de Pinochet à la dictature de Franco. J’ai, très calmement, raconté à mes voisins que cette crapule stalinienne de Picasso avait, dans son atelier, une croute ratée intitulée « Corrida ». Le 26 avril 1937, quatre escadrilles de la « Légion Condor » ont bombardé la petite ville basque de Guernica, faisant environ 200 morts. Pablo Picasso a alors eu l’idée de génie de rebaptiser sa toile « Guernica », et elle est rentrée dans l’histoire :

En vérité, le bombardement de Guernica était inespéré pour les Républicains espagnols ; il faisait oublier que, au début du mois de novembre 1936, à l’approche de la conquête de Madrid par les Franquistes, le Communiste Santiago Carrillo (5), avait donné l’ordre d’abattre d’une balle dans la tête – à la soviétique – 2 750 détenus politiques lors du massacre de Paracuellos.  

Devant ce récit, totalement vérifiable, mes voisins de table sont restés comme des canards devant un couteau. Était-ce possible ? Était-ce vrai ? Mais l’un d’eux – ex enseignant lui aussi – m’a déclaré: « Franco a quand même été, à son époque, un dictateur et un grand criminel ».

Je lui ai rappelé qu’entre 1936 et 1939, alors que la guerre civile espagnole faisait des ravages dans les deux camps, presque tous nos intellectuels étaient proches, voire militants, du Parti Communiste et admiraient le « petit père des peuples » Joseph Staline.

Ces mêmes intellectuels ont fermé les yeux  ou nié les « purges » de Staline.  Leur phase la plus violente s’est déroulée de fin 1936 à 1938. Durant ces deux années, la répression a fait plus de deux millions de victimes, dont 725 000 exécutions. L’ordre opérationnel 00447 (du 31 juillet 1937), ordonnait de réprimer « les  éléments antisoviétiques et socialement dangereux ».
Pour Robert Conquest, la « Grande Terreur » aurait entraîné au moins trois millions d’exécutions et deux millions de morts au Goulag.

Après la guerre, les crimes et purges de Mao-Zedong  ont presque fait passer Staline pour un enfant de chœur.

Cette comptabilité macabre ne saurait dédouaner un camp plutôt que l’autre, mais il faut, de temps en temps, remettre les pendules à l’heure et rétablir certaines vérités.

Dans l’affaire ukrainienne, il est indéniable que c’est Poutine l’agresseur, mais, comme je l’ai déjà écrit dans plusieurs articles, nous n’aurions pas dû nous en mêler : l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN et ne fait pas partie de l’UE. Joe Biden, Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen etc… ont choisi leur camp.

Pour ma part, j’ai choisi le mien, en mon âme et conscience.
Ce n’est pas celui de la Russie, c’est celui de la France (et de sa survie).

Il nous faudra, tôt ou tard, arrêter nos vociférations de faux durs, faire enfin de la realpolitik et reprendre des relations normales avec la Russie, car c’est NOTRE intérêt !   

Eric de Verdelhan
28 mars 2022 

1)- Je ne saurais dire si le lieutenant Charles Peguy, incorporé en août 1914 dans le 276ème  Régiment d’Infanterie et tué d’une balle dans la tête dès le 5 septembre, à Villeroy, durant la bataille e l’Ourcq, est mort dans une « juste guerre » ? Mais je sais que la Grande Guerre a tué 18 millions d’hommes, dont 1,5 millions de Français.

2)- Ils sont également assez peu soucieux de la vie de leurs propres troupes.

3)- Rapport Rettig en 1990 et Rapport Valech en 2004.

4)- Dont beaucoup étaient maoïstes en 68, alors que le régime de Mao-Zédong a… entre 60 et 80 millions de morts sur la conscience ! Une paille !

5)- Elu député communiste aux Cortès, après la mort de Franco, il n’a jamais rendu de comptes à la justice pour ses innombrables crimes. 

 

 

 

 

 

 

 

    

3 Commentaires

  1. Vous êtes passionnant et je vous rejoins tout a fait. Les matamores évoqués plus haut, européo-mondialistes me dégoûtent au plus haut point, et je redoute de jour en jour leur escalade dans la connerie dangereuse pour notre pauvre pays déjà bien malmené de l’intérieur.

  2. Poutine a déclenché les hostilités, mais après que Zelensky ait demandé à ce que l’Ukraine entre dans l’UE et l’Otan. Ce qui, dans le contexte connu américano-russe, relevait pour le moins de la provocation délibérée.

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