« Le lundi 26 avril 1937, quatre escadrilles composées d’appareils de la Légion Condor, de bombardiers italiens, et escortées par des avions de chasse allemands bombardent la ville… L’attaque débute à 17 h 30 et dure trois heures… Quelques jours plus tard, Picasso prend connaissance du drame de Guernica. Très mobilisé par la défense de la République espagnole et marqué par la prise de Malaga – sa ville natale – par les rebelles en février, il décide que ce crime sera le thème de la commande qui lui a été faite par le gouvernement républicain. Du 1er au 11 mai, Picasso conçoit Guernica, puis le réalise en quelques semaines, assisté de sa maîtresse Dora Maar qui photographie l’œuvre en gestation…
(Revue « l’Histoire » (1)).
Dans mon article d’hier, j’ai raconté – pour la énième fois ! – les massacres commis par les Républicains durant la guerre d’Espagne, ce qui m’a valu quelques remarques acerbes, mais dont j’ai l’habitude. En effet, combien de fois me suis-je fait agonir pour avoir osé écrire que le général Franco avait sauvé le Catholicisme espagnol de la « Terreur rouge » ? C’est pourtant la vérité, mais il ne faut pas le dire. En Espagne, les langues commencent enfin à se délier. L’an dernier, le livre d’un auteur espagnol paru en 2003 – il y a presque 20 ans ! – traduit en français, a fait hurler la gauche (2). Un entretien avec l’auteur, Pio Moa, a été publié dans « Le Figaro Histoire », suivi d’une vidéo d’Isabelle Schmitz qui a récolté… 1,2 million de vues. « L’Humanité », ce torchon communiste, a réagi violement. Puis « Libération » et « Le Canard enchaîné » ont fait de même. Le choc est rude : cette gauche donneuse de leçons découvrait que tout est faux ou mensonger sur les enjeux de la guerre civile espagnole. Celui qui en apporte la preuve n’est pas un nostalgique du « Caudillo », bien au contraire, Pio Moa a été jadis un combattant antifranquiste virulent. Et que dit cet historien dont les écrits soulèvent autant d’enthousiasme (3) que de cris d’orfraie, en Espagne comme en France ? Il dit que Franco ne s’est pas soulevé contre la démocratie car elle n’existait pas en Espagne. Comment aurait-elle pu exister après les élections remportées de façon frauduleuse par le « Fronte Crapular » en 1936 ? Elle n’existait pas parce que les Socialistes s’étaient soulevés deux ans plus tôt pour faire triompher la révolution bolchevique (mais qui ne réussit que très brièvement dans les Asturies). Les leaders socialistes affirmaient constamment leurs buts révolutionnaires et Largo Caballero, le Lénine espagnol, déclarait en février 1936 :
« Aussitôt que le gouvernement Azaña sera tombé, il y aura en Espagne une république soviétique. »
C’était clair, net et précis !
À la veille de la guerre civile, la révolution (communiste, soviétique, socialiste ?) était sur le point de s’abattre sur l’Espagne. Seul un soulèvement militaire a pu l’empêcher, certes au prix d’une terrible guerre civile où des crimes ont été commis des deux côtés, comme hélas dans toute guerre fratricide. Les historiens franquistes l’ont toujours affirmé mais personne ne voulait les entendre. À commencer par la droite libérale espagnole, aussi lâche, aussi veule, que la nôtre. Elle a préféré tendre la joue à ses ennemis d’hier en tentant, sans le moindre succès, une réconciliation entre les deux Espagne. Elle est allée à Canossa par peur d’être jugée trop à droite, et elle a voté aux Cortès une déclaration condamnant le soulèvement militaire de Franco. C’est assez pitoyable !
Personnellement, je n’ai jamais pris le « Caudillo » pour un enfant de chœur, mais la vérité sur la guerre d’Espagne est plus nuancée que le récit qu’on nous sert depuis des décennies. Quand je parle de la guerre d’Espagne, on me cite immanquablement Guernica comme l’horreur absolue.
En 1975, sous Valéry Giscard d’Estaing, l’homme du regroupement familial et de l’IVG, notre fabrique de crânes d’œufs – l’ENA – a baptisé une promotion « Guernica » ce qui était encore une veulerie, une bassesse, une soumission reptilienne aux diktats idéologiques imposés par la gauche.
Il est indéniable que ce n’est qu’à partir du bombardement de Guernica en avril 1937 (et du battage médiatique fait autour) que l’opinion internationale a basculé en faveur de la République espagnole. Les médias de l’époque ont su faire mousser un évènement, certes dramatique, mais qui ne contrebalançait pas les massacres et les horreurs de la « Terreur rouge » espagnole.
Tentons de rétablir les faits et faisons-le honnêtement, sans passion partisane.
Le lundi 26 avril 1937, jour de marché, quatre escadrilles de Junkers JU 52 de la « Légion Condor » allemande, une escadrille de bombardement, accompagnées par des bombardiers italiens et escortées par des avions de chasse allemands, ont bombardé la petite ville basque de Guernica.
L’attaque aurait commencé à 17h30, d’abord à la mitrailleuse puis aux bombes classiques et, pour finir, aux bombes incendiaires. Après avoir lâché leurs bombes, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 20h. Le soir, 1/5ème de la ville était en flammes, et le secours de pompiers venus de Bilbao (3h après le bombardement) s’avère inefficace, le feu se propagea rapidement à 70 % des habitations. Le nombre officiel de victimes, chiffre annoncé par le gouvernement basque, fait état de 1 654 morts et de plus de 800 blessés. Un chiffre terrifiant et très traumatisant !
D’après la BBC, l’historiographie récente relativise : 200 à 250 morts et plusieurs centaines de blessés. Dans « España en llamas. La guerra civil desde el aire » (2003), Josep Maria Solé y Sabaté et Joan Villarroya estiment le nombre de morts à 300. Raúl Arias Ramos, dans son ouvrage « La Legión Cóndor en la guerra civil » (2003) l’estime à 250. Enfin, une étude réalisée en 2008 par deux historiens de l’association Gernikazarra, Vicente del Palacio y José Ángel Etxaniz, donne un bilan de 126 morts. Précisons qu’il s’agit là d’auteurs tous favorables au camp républicain.
Le journaliste Vicente Talón dans son « Arde Guernica » (San Martín, 1970), est arrivé à la conclusion qu’il n’y aurait pas eu plus de 200 morts. Estimation reprise par Ricardo de la Cierva, puis, en 1987, par le général Jesús Salas Larrazábal, dans son livre intitulé « Guernica » (éd. Rialp). Chiffre également repris par la chaîne de télévision publique allemande « ARD » en avril 1998. On a même prétendu que les photos des ruines de Guernica auraient pu être des photos de Madrid.
Le journal du général Wolfram von Richthofen, chef d’état-major de la « Légion Condor », affirme que le bombardement de Guernica a été décidé sans l’aval de Franco. Le général Emilio Mola avait d’ailleurs émis des consignes à la Luftwaffe, interdisant les bombardements, a fortiori sur les civils. Guernica aura été un épisode tragique de cette guerre ; un parmi tant d’autres.
Précisons, pour clore le chapitre sur Guernica, que la citation en entête de mon article est – encore !- fallacieuse, bien qu’elle émane d’une revue consacrée à l’histoire. La réalité est un peu différente. Pablo Picasso avait dans son atelier une croute invendable baptisée « Corrida ». Dès le 27 ou 28 avril 1937, Juste après le bombardement de Guernica, le gouvernement espagnol qui voulait alerter l’opinion internationale, a commandé à Picasso un tableau de grand format, et cette crapule stalinienne a recyclé sa toile ratée : c’est ainsi que « Corrida » est devenue « Guernica ».
Le bombardement de Guernica aurait fait 126 ou 300 morts, mais personne ou presque n’a vraiment envie de donner un bilan précis de la « Terreur rouge ». Selon l’historien Hugh Thomas (5), le bilan des seules persécutions antireligieuses s’élève à 55 000 morts. Pour Antony Beevor, le bilan des tueries s’élèverait à 38 000 personnes, dont la moitié furent tués à Madrid (8815 victimes) et en Catalogne (8352 victimes). Selon Guy Hermet, les estimations oscillent entre 60 000 et… 85 000. Lui-même penche pour 75 000 victimes environ. Le terme « Terreur rouge » a été créé par le camp nationaliste. Émile Temime et Pierre Broué (6) affirment qu’il s’agit de « l’un des deux thèmes de la propagande franquiste ». La formulation ne me semble pourtant pas excessive.
Après la guerre d’Espagne, Franco fit construire un gigantesque mémorial en hommage aux morts franquistes : « El Valle de los Caídos » (la vallée de ceux qui sont tombés) dans la vallée de Cuelgamuros. En 1958, il décida d’en faire un mausolée dédié à l’ensemble des combattants morts y compris les Républicains. En octobre 2019, les Socialistes exhumaient la dépouille de Franco d’« El Valle de los Caídos » : les vaincus de 1939 se vengeaient sur la dépouille du vainqueur !
« La vengeance est un plat qui se mange froid », c’est bien connu…et la gauche espagnole est aussi hargneuse que la nôtre. Et puis, tout ceci est finalement assez logique : Il est bien connu que les crimes « fascistes » (ou présumés tels) sont cent fois pire que les crimes communistes !
Ce rappel historique ne cherche pas à justifier, excuser ou légitimer le Franquisme. Francisco Franco n’était pas un tendre mais ceux d’en face non plus. Il est bon de le rappeler !
Je veux bien que le bombardement de Guernica soit considéré comme une horreur absolue, mais je rappelle aux amnésiques que le « camp du bien » a carbonisé sous des tonnes de bombes incendiaires les populations civiles de Tokyo (100 000 morts) et de Dresde (35 000 morts) ; rasé avec deux bombes atomiques Hiroshima (75 000 morts) et Nagasaki (35 000 morts) ; détruit des villages de paysans vietnamiens au Napalm ; déversé des tonnes de bombes sur l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan et bombardé les civils de Belgrade durant… 70 jours.
Cette liste n’est hélas pas exhaustive, mais on va sans doute me rétorquer que c’était au nom de la liberté et de la démocratie, ce qui change tout !
Pour conclure, je voudrais dire mon mépris pour ces Français souvent aisés – ancêtres de nos « bobos » de la gauche-caviar – qui, du temps de Franco, rentraient bronzés de leurs vacances en Espagne et, à peine arrivés en France, décrivaient avec moult détails l’« enfer franquiste ». En 1975, année de la mort du « Caudillo », les mêmes salopards applaudissaient la « libération » du Vietnam et du Cambodge. Puis, quelques années plus tard, pleurnichaient sur les « Boat people ». Mais, la nature fait bien les choses : ceux qui n’avaient rien à reprocher à Staline, Mao Zedong, Pol-Pot ou Castro, allaient avoir une nouvelle tête de turc : le 11 septembre 1973, au Chili, le général Augusto Pinochet renversait le socialo-gaucho Salvador Allende. Ouf ! On pouvait enfin reparler de la « peste brune » pour occulter et mettre sous le tapis les millions de morts du « choléra rouge ».
Alors tant pis, je vais encore me faire agonir mais je dis un grand merci à Pio Moa. Je pense que son livre – que je n’ai pas lu – ne m’apprendrait rien que je ne sache déjà.
Demain, c’est l’anniversaire de la mort du « Caudillo », or il est un épisode de sa vie qui mérite d’être connu. Il concerne des Français (d’Algérie). Rien que pour cette intervention, nous, Français, nous devrions nous interdire de critiquer trop sévèrement Franco : Oran, deuxième ville d’Algérie, était alors habitée par une importante colonie de « Pieds noirs » d’origine espagnole. Au lendemain des accords d’Evian, le 19 mars 1962, Oran a connu une vague de violences qui n’était, hélas, qu’un avant-goût des massacres du 5 juillet suivant. Les 29 et 30 juin 1962, devant les menaces de tueries, Franco vint au secours des Oranais en affrétant deux bateaux, le « Victoria » et le « Virgen de Africa ». Pour accoster à Oran, il fallut parlementer avec les autorités françaises réticentes. Franco adressa un ultimatum à la France, frisant l’incident diplomatique. Le 30 juin, à 10h du matin, malgré l’opposition de De Gaulle, Franco donna l’ordre d’embarquer les pauvres gens qui attendaient depuis des jours, sans la moindre assistance, un embarquement salvateur. Franco avertit De Gaulle qu’il était prêt, si besoin, à un affrontement militaire pour sauver ces pauvres « Pieds noirs » livrés, sans défense, à la barbarie du FLN. Puis il ordonna à son aviation et sa marine de guerre de faire route vers Oran. De Gaulle céda et le samedi 30 juin, à 13 h, les deux navires espagnols embarquaient 2200 passagers dépourvus de tout. Lors de l’embarquement à Oran, les capitaines espagnols s’opposèrent à l’intrusion d’une compagnie de CRS sur leur bateau (pourtant propriété de l’Espagne) dans le but de lister tous les passagers et d’arrêter si possible des membres de l’OAS. Finalement à 15h30, les quais d’Oran se vidèrent et les bateaux, en surcharge, prirent la mer à destination d’Alicante.
A l’approche de la côte espagnole, une liesse générale s’empara des rapatriés qui crièrent « Viva Espagna ! » et « Viva Franco ! ». Après cette affaire, de nombreux « Pieds noirs » choisiront de rester en Espagne : on peut aisément les comprendre ! Abandonnés par la France, ils devaient leur survie à l’Espagne, ce pays qu’on présentait comme une effroyable dictature.
Rien que pour ça, demain je vais lever mon verre, fredonner « Cara al sol » (7), et lancer un vibrant « ¡ Arriba España ! », car j’aime autant l’Espagne que… la vérité historique ; et tant pis si elle vient parfois, souvent, fréquemment, écornifler l’histoire dite « officielle ».
Éric de Verdelhan
19/11/2024
1) « L’Histoire » N° 432, d’avril 2017.
2) « Les Mythes de la guerre d’Espagne » de Pio Moa, chez L’Artilleur/Toucan.
3) Il a vendu 300 000 exemplaires de son livre.
5) « La guerre d’Espagne » d’Hugues Thomas ; 2009.
6) « La révolution et la guerre d’Espagne », de Pierre Broué et Émile Témime ; Éd. de Minuit, 1961.
7) Hymne de la Phalange. José Antonio Primo de Rivera est l’auteur des paroles de « Cara al sol », hymne composé en décembre 1935, sur une musique de Juan Tellería.
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Magnifique rappel d’une histoire de l’Espagne, et douloureux souvenir d’une attitude de De Gaulle face aux pieds noirs incompréhensible.
On oublie toujours de citer le très consentuel Antoine de Saint Exupery , reporter en Catalogne qui a décrit les massacres de villages entiers et les pendaisons de religieux par les maquis républicains.Pourtant ces textes et sa correspondance st publiée dans la collection la pléiade.