LE DÉCRET DE DISSOLUTION DE “LA JEUNE GARDE” VIENT D’ÊTRE PUBLIÉ, MAIS …(Pierre Gentillet)

Bon.

Le décret de dissolution de “La Jeune Garde” vient d’être publié. Et très franchement, je m’interroge.

Législatives 2024 : qu'est-ce que La Jeune garde, groupuscule antifa fondé  par Raphaël Arnault ?

Car derrière l’apparente fermeté de Bruno Retailleau, le texte révèle plusieurs faiblesses évidentes et même une complaisance idéologique troublante. Je vous explique pourquoi.

3 minutes de lecture chrono ça vaut le coup

Tout d’abord, la dissolution administrative est fondée sur l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure, qui prévoit sept fondements juridiques distincts permettant de dissoudre une association ou groupement de fait. Or, le ministère de l’Intérieur n’en a retenu qu’un seul pour la Jeune Garde :

« 1° la provocation à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens. »

Sur ce point, il faut le reconnaître, la motivation du Ministère est solide et correctement documentée dans le décret. Pas grand-chose à redire. (Bon, cela dit c’est un peu le minimum vu le pedigree de la Jeune Garde).

Mais pourquoi s’arrêter là ? Le texte ignore sciemment d’autres motifs pourtant plus qu’applicables, affaiblissant ainsi gravement le décret face à un éventuel recours devant le Conseil d’État.

Je suis frappé de cette indulgence alors même que le même jour le Ministère annonce dissoudre Lyon Populaire mais avance cette fois non pas un mais TROIS motifs de dissolution pris dans l’article L.212-1 ! Comment expliquer cet écart alors même que la Jeune Garde encourt bien plus qu’un seul motif de dissolution. Je vous en donne plusieurs :

le 2° de l’article L.212-1 , relatif aux groupements « qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ».

Ce motif avait pourtant été central dans la dissolution de Génération Identitaire.

Pourquoi l’écarter ici, alors que La Jeune Garde semble cocher de nombreuses cases vu ses actions de rues, notamment en marge des manifestations ?

Le Conseil d’État avait pourtant avancé ce motif dans l’affaire Génération Identitaire (CE, 30 juillet 2014), qui pourtant ne se livrait à aucune action de rue de ce type. Pourquoi ce deux poids – deux mesures ?

Enfin le 6° de l’article L.212-1, qui vise « les groupements provoquant ou contribuant à la discrimination, la haine ou la violence envers une personne en raison notamment de son origine ou de sa religion. Là encore, des éléments troublants existent. »

Ce fondement aurait pourtant pu être invoqué à plusieurs titres :

– Agression d’un adolescent juif dans le métro parisien (mai 2004), par des membres se réclamant de La Jeune Garde, aux cris de « sioniste », en le forçant à crier « Vive la Palestine » ;

– Discours idéologique systématiquement hostile, appelant à « traquer les militants d’extrême droite », les assimilant à des ennemis, à éliminer ;

– Publication de contenus justifiant et glorifiant l’usage de la violence contre des adversaires politiques ou contre les forces de l’ordre.

Ces éléments auraient pu, et sans doute dû, justifier l’invocation du 6°. Leur exclusion pure et simple du décret pose question.

D’ailleurs, point révélateur : A AUCUN MOMENT le Ministère n’utilise le terme « extrême-gauche » ou même « gauche » pour qualifier la Jeune Garde alors même qu’elle indique volontiers que la Jeune Garde s’oppose à des groupements « d’ultra-droite ».

Le ministère indique simplement que le discours de la Jeune Garde est « antifasciste« . Ce choix lexical n’est pas neutre : il traduit une forme d’indulgence idéologique, voire presque de sympathie implicite, à l’égard d’un mouvement qui, sous couvert d’une telle bannière, fait pourtant systématiquement l’apologie de la violence politique contre ses opposants.

L’État refuse de qualifier ces gens et leurs idéologies d’extrémistes et haineuses. Dans la logique de l’Intérieur, on comprend donc que le qualificatif de « discours de haine » doit rester réservé à « l’extrême-droite« . D’ailleurs Lyon Populaire est lui bien dissous sur ce motif !

CQFD : pas de dissolution possible pour « discours de haine » quand on est à gauche de l’échiquier.

Enfin, pour l’anecdote, révélatrice tout de même, le décret comporte plusieurs fautes d’orthographe…Voici quelques exemples :

– « des entrainement » (sans s, sans accent)

– « manifestations antifasciste » (sans s)

Un document long de…deux pages. Relu par qui ?

Bref, tout cela laisse quand même une impression de travail bâclé. Comme s’il fallait expédier discrètement le dossier, en espérant secrètement qu’il tombe devant le Conseil d’État …

Cette légèreté, cette faiblesse argumentative contrastent fortement avec la rigueur et l’acharnement dont le ministère de l’Intérieur fait preuve à l’égard d’autres groupements, à droite ou à l’extrême-droite cette fois, comme Lyon Populaire dissous le même jour.

Rendez-vous devant le Conseil d’État …

Pierre Gentillet

14/06/2025


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