SARKOZY EXCLU DE LA LÉGION D’HONNEUR… QUI RÉPARERA CETTE INJUSTICE ? (Henri Guaino)

TRIBUNE – Après sa condamnation dans l’affaire des écoutes, l’ancien président de la République a été exclu de la Légion d’Honneur ce dimanche. Rien ne justifie cette peine complémentaire qui équivaut à une dégradation symbolique devant toute la nation, s’indigne dans une Tribune du Figaro Henri Guaino, son ancien conseiller spécial à l’Élysée.


Nicolas Sarkozy vient d’être exclu de la Légion d’honneur. Ses amis s’en attristent, ceux qui le détestent s’en réjouissent, comme à chaque fois que l’on jette l’opprobre sur sa personne ; les autres regardent de loin et n’en retiennent finalement qu’une chose, c’est que décidément il n’y a rien à attendre de bon et d’honnête de la politique. Et alors, disent les esprits forts, quelle importance ? C’est le règlement, il s’applique. Le mal que l’on fait à un homme ? Le mal que l’on fait aux institutions ? L’énormité de cette dégradation symbolique infligée à un ancien chef de l’État qui n’a d’équivalent que celle qui fut infligée au maréchal Pétain en 1945 ? Quelle importance ? Le règlement, c’est la seule chose qui compte ! Car le règlement, c’est l’État de Droit, il n’y a rien au-dessus !

Zola suspendu de la Légion d’honneur après avoir été condamné pour avoir pris la défense de Dreyfus dans « J’accuse ! » ; de Gaulle condamné à mort et exclu de la Légion d’Honneur pour avoir refusé l’armistice et Montoire ; normal, alors, puisque c’est le règlement, l’État de Droit ? On rétorquera que dans les deux cas l’histoire a réparé l’injustice. Mais il a fallu attendre onze ans pour Dreyfus, une révision obtenue par la pression du pouvoir politique, quatre ans de guerre mondiale et la libération de la France par de Gaulle.

Qui réparera l’injustice faite à Sarkozy ? Y aura-t-il une révision de son procès si la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France ? Ce sera l’institution judiciaire qui en décidera souverainement, c’est l’état du droit. On verra bien. Quant au débarquement sur les plages de Normandie, il est assez peu probable.

« Pacte corruptif », « piège », « fable »… Les pleins et les déliés du procès du « financement libyen » : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/pacte-corruptif-piege-fable-les-pleins-et-les-delies-du-proces-du-financement-libyen-20250412

Les tenants du règlement et les convertis à la religion de l’État de Droit, en guerre contre les hérétiques qui pensent que l’on fait le droit par la démocratie et non la démocratie par le droit, objecteront encore que ces cas ne sont pas comparables à celui de Nicolas Sarkozy parce que pour ce dernier il n’y aurait pas d’injustice, seulement la vérité judiciaire objective, impartiale et sereine. Certes, ce n’est pas l’affaire Dreyfus ni celle de la France libre et de la Résistance. Mais ce n’est pas une raison pour donner à la vérité judiciaire un sens qu’elle n’a pas et qui a été opposé à toutes les erreurs judiciaires de l’histoire. Certes, juste ou injuste, le jugement du tribunal a force de loi, c’est un principe auquel nulle société ne peut déroger sous peine de sombrer dans le chaos.

Effondrement intellectuel et moral de la politique

En droit pénal, la preuve est libre et l’intime conviction du juge fait loi. À partir de faits épars collectés par l’instruction et reliés entre eux par des liens de causalité hypothétiques, le juge est libre, pour décider de la culpabilité, d’écrire une histoire qui lui paraît convaincante. Il le peut, il en a le pouvoir, c’est la loi qui le lui donne. Cela n’exclut pas le doute, non seulement de l’avocat, mais aussi du citoyen. Ce dernier a bien le droit, puisque la justice est rendue en son nom, de ne pas partager l’intime conviction du juge. Et dans ce jugement contre Nicolas Sarkozy un grand nombre d’avocats, de juristes, de chroniqueurs judiciaires et de citoyens ont cherché en vain quelques preuves de la corruption supposée qui leur paraissaient tangibles.

Cela aurait au moins dû conduire à s’interroger sur la pertinence de cette peine complémentaire d’exclusion de la Légion d’Honneur et du Mérite que le juge n’a pas prononcée parce qu’elle n’est pas de son ressort et qui est une dégradation symbolique devant toute la Nation, rien moins qu’une condamnation à l’indignité nationale pour un jugement où la vérité judiciaire ne saurait être confondue avec la vérité tout court et dont la disproportion des conséquences ne peut qu’étonner. C’est l’effet d’une mécanique implacable qui broie les hommes et les institutions sans que personne puisse prendre la responsabilité de l’arrêter au regard de ses conséquences.

Le paradoxe qui en dit long sur l’effondrement intellectuel et moral de la politique, c’est que les plus virulents adversaires, à juste titre, du principe des peines automatiques en soient les plus ardents partisans quand il s’applique à leurs adversaires politiques. Dans la version du code de la Légion d’Honneur qui était en vigueur depuis 1962, toutes les exclusions étaient prononcées par décret du Président de la République, ce qui en pratique lui laissait la possibilité de ne pas signer le décret lorsqu’il jugerait, en conscience, que l’exclusion créerait une injustice plus grande ou serait plus délétère pour les institutions que la mise à l’écart de la règle, dans le même esprit que celui de l’exercice de la grâce présidentielle par laquelle il dispose du pouvoir d’aménager les peines.

Société abandonnée au pilotage automatique

On se demande bien pourquoi le Président de la République, Grand Maître de l’Ordre, détenteur de la souveraineté nationale, s’est privé de cette possibilité par son décret du 22 janvier 2025 qui transforme une décision qui, de par la nature de la fonction de celui qui était amené à la prendre, conservait en dépit de tout une dimension politique, en un acte purement administratif pour une seule catégorie d’exclusion.

Comment ne pas le regarder comme une étape de plus dans la fuite devant la responsabilité politique qui mine dangereusement les démocraties occidentales où bientôt plus personne ne sera responsable de rien dans une société de plus en plus abandonnée au pilotage automatique par les règlements et les jurisprudences et où l’on se demandera bientôt pourquoi il servira encore à quelque chose d’aller voter. À moins que le président de la République n’ait pas pris la peine de lire ce décret qui le concernait directement en tant que Grand Maître et qu’il signait lui-même. Qui sait ?

Henri Guaino : « En cédant à la tentation du gouvernement des juges, les magistrats préparent leur propre destitution » : http://www.lefigaro.fr/vox/politique/henri-guaino-en-cedant-a-la-tentation-du-gouvernement-des-juges-les-magistrats-preparent-leur-propre-destitution-20250404

En tout état de cause, une fois de plus, la broyeuse des hommes et des institutions qui s’est progressivement mise en place aura fonctionné à plein régime au point d’atteindre l’institution qui, même si elle est parfois galvaudée, est le dernier rempart symbolique de l’esprit national et de l’ambition de servir et dont la devise est « Honneur et Patrie » dans une époque où l’un et l’autre tendent à disparaître et que les générations futures regarderont peut-être comme l’une de celles où l’on fut le pus acharné à détruire tout ce qui fait une société, une civilité, une civilisation, l’honneur du genre humain. On ne remerciera jamais assez de leur œuvre délétère ceux pour lesquels le règlement est l’unique horizon intellectuel et moral et qui viennent une fois de plus de se distinguer avec leur bonne conscience en bandoulière.

Henri Guaino

20 juin 2025

 


AIDEZ MINURNE !…


Minurne fonctionne
 sans recettes publicitaires.
Si vous appréciez nos articles, vous pouvez nous aider par un don de 5 €,10 €, 20 € (ou plus).
Cliquez ci-dessous (paiement Paypal sécurisé)

 

Répondre à Gaulois. Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

1 Commentaire

  1. Guaino ne lésine pas, comparer Zola à Sarkosy ! On voit bien dans quel camp ils jouent tous ensemble, ils ont vécu de rapines diverses et de mensonges toute leur vie et voudraient l’HONNEUR en plus. Déclancher une guerre américaine en Libye qui a déstabilisé toute l’Afrique, mettre au panier le résultat d’une consultation du peuple par référendum ! Rien que cela et j’oublies tout le reste.