EXISTE-T-IL  ENCORE DES INTELLOS DE DROITE ? (Éric de Verdelhan)

« Un intellectuel médiatique vit du commerce des idées des autres. »

(Pierre Nora).

« Pour l’intellectuel, l’intelligence commence où s’arrête le bon sens. »

(François Bluche).

Hier, j’ai failli tomber de ma chaise en découvrant le mot aimable d’un lecteur-ami. Il m’écrivait :

« vous qui êtes un intellectuel de droite, que pensez-vous de …etc…etc.. ».

Diantre, c’est me donner une importance (et des qualités) que je n’ai pas ! Je ne corresponds absolument pas à la définition de l’intellectuel telle qu’on la conçoit de nos jours :  

« Un intellectuel est une personne dont l’activité repose sur l’exercice de l’esprit, qui s’engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses sur les sujets les plus variés, qui n’assume pas de responsabilité directe dans les affaires pratiques, et qui dispose d’une forme d’autorité ».

Il faut savoir que chez nous, en France, « intellectuel de gauche » est presque un pléonasme. L’intellectuel défend toujours des idées « humanistes » donc de gauche. A droite, c’est bien connu, il n’y a que des crétins, des abrutis, des gens incultes, des brutes au front bas…

Contrairement à ce qui existe dans beaucoup d’autres pays (comme, par exemple, les États-Unis, l’Italie, l’Espagne, la Pologne ou l’Allemagne), contrairement à ce qui fut le cas en France sous la III° République, les  idéologues de droite semblent avoir déserté les partis politiques droitiers, que ce soit chez les Républicains ou au Rassemblement National. Pourquoi ne sont-ils plus dans les partis ?

On me dit que c’est parce qu’ils se sentent coupables mais coupables de quoi, Grand Dieu ?

Depuis un demi-siècle, la droite a abandonné le combat intellectuel, fascinée voire tétanisée par la prétendue légitimité de la gauche en matière de débats d’idées.

L’appellation « intellectuel de droite » est devenue une sorte d’oxymore, l’intellectuel étant, par définition, naturellement de gauche. D’ailleurs, si j’en crois les médias, comment penser à droite puisque, en dehors du fascisme, la pensée de droite n’existe pas ? La droite a peur d’être dénoncée, ostracisée, diabolisée. Depuis des décennies, elle court après les avancées « sociétales » de la gauche pour une raison toute simple : la politique est devenue une sorte de showbiz démagogique. Le fait de dire aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre ; de leur promettre que demain on rasera gratis ; de leur affirmer qu’ils paieront moins d’impôts ou auront davantage de congés payés ; tout ceci n’est pas nouveau mais la télévision et les réseaux sociaux sont venus accélérer et aggraver le phénomène.

De nos jours les leaders des partis ne font plus de politique, ils font…du théâtre (2).

Le premier personnage politique, et non des moindres, à avoir compris ça, c’est Charles de Gaulle avec l’élection du président de la République au suffrage universel : c’était l’aboutissement,  la quintessence, de l’ineptie démocratique « un homme, une voix » alors qu’on sait pertinemment que la démocratie grecque – celle de Solon – n’a jamais existé puisqu’il s’agissait d’un scrutin censitaire.    

La Constitution du 4 octobre 1958 avait institué (article 6) l’élection du président de la République par un collège de 81 764 « grands électeurs ». Ce principe s’inscrivait dans la tradition de la III° et de la IV° République. De Gaulle était ainsi devenu le premier président de la V° République en 1958. L’Assemblée Nationale était la seule instance élue au suffrage universel direct, source de légitimité, afin de contrebalancer les pouvoirs élargis dont disposait le président de la République dans la nouvelle Constitution. Le 20 septembre 1962, de Gaulle annonçait sa volonté d’inscrire l’élection du président au suffrage universel dans la Constitution lors d’une allocution télévisée et, devant le refus du Congrès, il décidait de soumettre sa proposition à un référendum (3).

Soyons honnête, cette forfaiture fut un coup de génie !  Bien peu de gens, à l’époque, ont réalisé qu’on dénaturait le fonctionnement des institutions de la V° République naissante (4). On ne demandait plus aux « grands électeurs » de soutenir ou d’approuver un programme mais au peuple de voter pour un homme. Etant très modérément démocrate, je ne fais que constater ce qui a si bien été théorisé par Jean Haupt (5) : la démocratie est une fumisterie ;  un simulacre de « pouvoir donné au peuple » mais c’est suffisamment démagogique pour plaire au plus grand nombre.

Après cette digression, revenons à mon sujet, à savoir les intellos de droite.

Au début du XX° siècle, la pensée droitière est inspirée par Tocqueville – qui était pourtant de centre gauche – pour les libéraux, et par Maurice Barrès et Charles Maurras pour les nationalistes.  Le journal « L’Action Française » naît précisément le 20 juin 1899. Maurras est alors un doctrinaire qui s’inspire de Renan et souhaite entreprendre une réforme intellectuelle de la politique. Au départ, Il n’a pas de doctrine affirmée, juste un absolu : l’intérêt national. Maurras veut fédérer les droites (déjà !) et instaurer en politique un ordre harmonieux guidé par la raison. La pensée de Maurras évoluera plus tard vers le « nationalisme intégral », la monarchie, contrairement à son ami Maurice Barrès, mais la grande saignée de 14-18 va créer un traumatisme dans les milieux intellectuels.

De 1918 à 1924, le  nationalisme républicain (de Clemenceau, puis Poincaré) va supplanter le nationalisme monarchiste de Maurras, et déterminer la politique de la France.

Les élections de novembre 1919 enregistrent le plus important bouleversement dans le corps électoral de la III° République, la droite mise en minorité en mai 1914 devient la majorité : sur 613 sièges, la droite en récupère 437 (soit 71 %), les députés de la Chambre « bleu horizon ».

« L’Action française » se trouve dans une situation ambiguë à l’époque du « Bloc National » et de la Chambre « bleu horizon » où siège Léon Daudet, l’une des meilleures plumes de l’A.F. 

En 1919, les droites semblent victorieuses ; vingt ans plus tard, le constat est inverse.

Droite et gauche continuent à s’opposer sur les deux mêmes sujets qu’avant la Première Guerre Mondiale : le militaire et le financier. Les trois grands thèmes sur lesquels se fonde l’unité des droites à cette époque sont: un patriotisme intransigeant ; une stricte orthodoxie financière ; et un anticommunisme total. Mais la loi (scélérate) de séparation de l’Église et de l’État du 9 décembre 1905 maintient un fossé entre deux traditions idéologiques et politiques de droite.

L’histoire officielle a retenu qu’avec l’arrivée au pouvoir de Mussolini en Italie puis d’Hitler en Allemagne, beaucoup d’intellectuels de droite vont être attirés par le fascisme (voire le nazisme) : on pense à Lucien Rebatet, Maurice Bardèche (6), Pierre Drieu-La-Rochelle, Robert Brasillach ou Abel Bonnard, futur ministre du gouvernement de Vichy, qui étaitAbel Bonnard, éternel «Gestapette» - Causeur tellement pédéraste et collabo que le maréchal Pétain l’avait surnommé « la Gestapette ».  Mais ne perdons pas de vue que la plupart de ces intellectuels sortaient de « Normale-Sup », et que leur maitre à penser était Marcel Déat, lui-même normalien, éphémère ministre de l’Air sous le Front Populaire, ancien de la SFIO, qui créera en 1941 un parti collaborationniste, le « Rassemblement National Populaire ». Au sujet de Marcel Déat, De Gaulle écrivait en 1937 :

« Déat a sans aucun doute un grand talent et une grande valeur. C’est de quoi on lui en veut. Mais patience, je crois qu’on le verra remonter et aller très haut. »

Depuis la guerre, il y a une culpabilisation perpétuelle de la droite nationale, assimilée au National-socialisme allemand ou au Fascisme italien qui sont pourtant, de manière évidente, deux phénomènes de gauche puisque le Fascisme est un avatar du Socialisme. Sa déviance nationale-socialiste, est un mouvement prolétarien, fondé sur une toute puissance de l’état bureaucratique, le pouvoir absolu des apparatchiks du parti unique. C’est, fondamentalement une notion de gauche !

Après-guerre, et avant la télévision, les intellectuels de droite rasaient les murs. On ne citait plus que Raymond Aron, Dominique de Roux ou Thierry Maulnier, et encore, du bout des lèvres.

Petit à petit, on verra pourtant surgir (ou resurgir) des esprits brillants comme Jean Madiran, François Brigneau, André Figueras, Gustave Thibon, Louis Pauwels…Puis, plus tard, Jean Raspail, Jean-Yves Le Gallou, Bruno Gollnish, et Jean-Marie Le Pen lui-même qui n’était pas le matamore fort en gueule que les journalistes se plaisent à nous décrire.   

Puis, les médias – surtout radiophoniques ou télévisuels – ont tué le débat politique. Le phénomène s’est aggravé avec l’élection de Mitterrand en mai 1981. François Mitterrand – qu’on l’aime ou qu’on le déteste – était une belle mécanique intellectuelle mais il avait lui aussi compris que la télévision était un formidable outil de propagande. Et, après avoir laissé émerger le Front National, il a chargé sa clique socialiste de diaboliser tous ceux qui oseraient reprendre à leur compte les idées du FN. Nous avons vu apparaître « SOS Racisme », la « Marche des Beurs » etc…etc…

A la télé, l’intellectuel de droite a été conspué, insulté, étrillé, puis définitivement rayé de la programmation de l’audiovisuel public ; et beaucoup de chaînes privées ont suivi pour ne pas être montrées du doigt, par peur d’être diabolisées.

Les limites de la “Politique de l'extrême centre”

Aujourd’hui, certains espèrent un retour de balancier : Macron, en réalisant « l’extrême-centre » européiste qui était le vieux rêve de Giscard, conjugué à l’islamo-gauchisme et au diktat des minorités ; tout ceci fait que cet amalgame de catastrophes a réveillé dans notre pays un courant que je qualifierais d’« intellectuels résistants » ; de belles intelligences qui protestent et combattent  l’hégémonie de la pensée unique : Alain Finkielkraut, François-Xavier Bellamy, Mathieu Bock-Coté, Eric Zemmour, Frédéric Saint-Clair, Chantal Delsol, Gaspard Koenig, Yvan Rioufol, Michel Onfray, Régis Debray, Geoffroy Lejeune, Charlotte d’Ornellas … et quelques autres.

Quelques-uns osent ouvertement se revendiquer de droite, la pensée droitière n’est donc pas morte et ceci ne peut que me ravir. Mais, pour ma part, Cher Lecteur, je suis trop pragmatique, trop terre-à-terre (et sans doute trop inculte) pour être qualifié d’« intellectuel de droite ».

Cependant, contrairement aux gens trop timorés qui se disent de sensibilité droitière, je suis viscéralement, génétiquement, intellectuellement, moralement, un homme de droite.

Attaché à l’histoire et aux valeurs de mon pays, je regrette l’époque de sa grandeur ; je déplore sa dégénérescence, son invasion et son ensauvagement (l’un et l’autre étant liés).  

Je suis triste, atterré,  de la voir devenir une colonie de ses anciennes colonies.

La mort d'Hélie de Saint-Marc - l'Opinion

Hélie Denoix de Saint-Marc a dit:

« Que serait un peuple sans mémoire ? Il marcherait dans la nuit ».

Maurice Barrès et Charles Maurras ont eux-aussi dits des choses assez semblables.

L’homme de droite revendique une civilisation qu’il fait remonter à Vercingétorix (ou à Clovis s’il est catholique). Il est l’héritier d’une grande civilisation ; héritage qu’il souhaite transmettre à ses descendants. Je suis moi-même un héritier : on m’a inculqué, depuis mon plus jeune âge, un profond respect pour la grandeur de la France. Je me situe donc, presque génétiquement, à droite. Pas dans cette droite affairiste et libérale (surtout en matière de mœurs !) mais dans un courant « patriote et social ». Pour moi, dans le mot « droite », il y a droiture, c’est à dire franchise. Il y a un aspect direct, loyal, sans intrigue, qui me semble découler de ce concept. L’homme de droite n’est pas meilleur qu’un autre mais il a du panache et sait sauver les apparences. A l’inverse de la gauche, qui vient de senestre – sinistre – la gauche est synonyme de déloyal, de maladroit. C’est sans doute pour ça qu’elle attire prioritairement les exclus, les aigris et les ratés.

Les gens qui attendent tout de la société, de l’État, des autres,  et rien d’eux-mêmes.

« Ma » droite se rattache philosophiquement à l’ordre naturel, au message chrétien, même si elle englobe aussi des agnostiques et des athées. Ces derniers ayant compris (et admis) ce que nous devons à la monarchie et à nos racines chrétiennes.

Et je me fous comme d’une guigne d’être traité de fasciste par des ignares qui n’ont sans doute jamais lu « La doctrine du Fascisme » (7) ou « L’Etat corporatif »(8) de Mussolini, et qui ne font pas la différence entre le National-socialisme d’Hitler, le Fascisme italien, le National-syndicalisme espagnol(9) ou « LEstado Novo » de Salazar au Portugal.

J’ai délibérément choisi mon camp or,  « Là où s’arrête la mer commence la grève ».

La gauche et l’extrême-gauche sont la mer déchaînée qui rogne nos côtes. La droite, la vraie, devrait être le roc, la falaise, la digue qui protégera le rivage. Et entre les deux, il y a le ventre mou, la « gauche-caviar » et la « droite-cachemire ». C’est une zone de marnage, ce dénivelé entre la marée haute et la marée basse. C’est là qu’on trouve les crabes, les mollusques, les invertébrés, les galettes de mazout des dégazages en mer et les ordures abandonnées par des plaisanciers indélicats.

Cette zone, fluctuante à chaque marée, symbolise à mes yeux cet « extrême-centre » que Macron voudrait nous imposer.

Mais cette zone floue disparait à chaque marée, alors gardons espoir…

Éric de Verdelhan

25 octobre 2023

1)- Cette citation est généralement attribuée à tort à  Édouard Herriot (1872-1957).

2)- L’avorton qui nous sert de président de la République n’a pas oublié les cours de français ET de théâtre prodigués par Brigitte Trogneux.

3)- Sans la soumettre préalablement au Parlement, c’est-à-dire par l’application de l’article 11 de la Constitution et non pas de l’article 89 (relatif à la révision de la Constitution).

4)- Et le quinquennat viendra aggraver les choses.

5)- « Le procès de la démocratie » de Jean Haupt ; publié en 1971 et réédité par DPF à Chiré en 1977.

6)- Beau-frère de Robert Brasillach, il a toujours défendu sa mémoire.

7)- « La doctrine du Fascisme » est un essai que l’on attribue à Mussolini. En réalité, la première partie de l’essai, intitulée « Idee Fondamentali » a été écrite par le philosophe Giovanni Gentile. Seule la seconde partie « Dottrina politica e sociale » est de Mussolini lui-même.

8)- « L’Etat corporatif » de Benito Mussolini ; réédition Trident ; 1987.

9)- Dont le Franquisme est plus ou moins l’héritier, mais ceci est à nuancer.

 

Laisser un commentaire

Votre commentaire sera publié apres contrôle.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

5 Commentaires

  1. Ce brillant cours d’histoire mériterait une très large audience, spécialement chez les jeunes puis à une certaine gauche qui est de gauche sans raison mais juste parce que papa l’était donc par flemme intellectuelle.

      • N’oubliez pas aussi la faute des parents qui ne savent pas éduquer leurs enfants dans le stict droit de la République Française ! Comment voulez-vous civiliser ces gosses quand, une fois revenus à la maison, on leur parle en arabe, en chéténe ou dans une langue quelconque africaine ? Je ne dis pas cela pour sauver la situation ! Ces gens-là n’ont rien à faire en France et les lecteurs de Minurne le savent bien. Le tout est d’avoir un Président et un gouvernement qui ne baissent pas sans arrêt le pantalon devant la moindre opposition. Par exemple, prenez la manifestation interdite d’hier. Elle a quand même eu lieu. Et pourtant ce même Président et ce même gouvernement n’avaient pas hésité à sortir les blindés de la gendramerie contre les Gilets Jaunes. Pour moi quand on dit non, c’est NON ! Et qui s’oppose à cette directive mérite qu’on lui rentre dedans. Je suis pour une loi qui s’applique rellement et non superficiellement pour ne pas éviter les émeutes. De toutes façons le début de l’été a largement prouvé la nullité de ces bonobos parisiens ! Nous avons eu les émeutes t ce sont soit-disant les parents qui vont payer. Avec quel argent ? Ils continuent de nous prendre pour des cons ! et je n’aime pas ça non plus.