« ON A EU DEUX MAINS AU CUL » (Capucine Foucher)

« ON A EU DEUX MAINS AU CUL » : des femmes racontent leur calvaire après la victoire du PSG

Lors des célébrations après la finale de la Ligue des champions, les débordements ont fait la une. Mais un autre phénomène interroge : l’exclusion, de fait, des femmes de l’espace public ce soir-là.

Par Capucine Foucher (Contributrice à Le Point)

À l’occasion de la finale de la Ligue des champions, ce samedi soir, les Parisiens ont investi les rues de la capitale pour vivre pleinement l’événement. Mais le bilan des célébrations est lourd : affrontements avec les forces de l’ordre, vitrines brisées, véhicules incendiés, 45 interpellations. Un adolescent a par ailleurs été grièvement blessé par un tir de mortier d’artifice. Derrière ces débordements largement médiatisés, un autre phénomène, plus discret, interroge : l’exclusion de fait de nombreuses femmes, peu présentes lors de ces rassemblements ou contraintes de les quitter

Peu visibles dans les cortèges, souvent contraintes de s’éclipser rapidement ou d’y renoncer d’emblée, les femmes apparaissent de fait exclues d’un événement censé rassembler toute une ville. Les images qui circulent sur les réseaux en disent long : des foules massivement masculines, surexcitées, souvent alcoolisées, où l’exubérance bascule vite dans l’agressivité. Rares sont les vidéos où l’on distingue des femmes au cœur de la mêlée. Et pour cause : celles qui s’y aventurent évoquent un sentiment d’insécurité diffus, parfois une peur bien tangible.

UN ESPACE PEU ACCUEILLANT POUR LES FEMMES

Sur X (anciennement Twitter), TikTok ou Instagram, les témoignages affluent. Plusieurs femmes évoquent des attouchements, des insultes sexistes, des regards insistants, des comportements intrusifs. Certaines rapportent avoir été prises pour cibles de projectiles, notamment des tessons de bouteille. D’autres racontent avoir fui avant même la fin du match, dissuadées par l’ambiance ou par l’absence de femmes autour d’elles.

Dans une vidéo devenue virale, deux jeunes femmes racontent avoir participé aux célébrations dans les rues de Paris. En l’espace d’une quinzaine de minutes, elles décrivent la réalité vécue ce soir-là. « Avec ma pote, on est en train de fêter la victoire du PSG à Paris, on a eu deux mains au cul », raconte l’une d’elles, se filmant avec son téléphone. « Moi, j’en ai eu une au sein », renchérit son amie, avec qui elle était sortie aux abords de la tour Eiffel et du Trocadéro. « Et quand tu réagis, parce que le mec il est là, il te sourit, on veut t’embrouiller », poursuivent-elles.

Leur constat est amer : « On est comme tout le monde, on a gagné, on a trop envie d’y aller, mais en fait on ne peut pas la faire, la fête. Ou alors, il faut y aller en sachant qu’on va se faire mettre des mains au cul, qu’on va se faire toucher les seins. Quand on dit “les mecs”, on ne fait pas de généralités évidemment, mais c’est une minorité qui, franchement, fait chier. » Et d’ajouter : « Le pire, c’est que quand tu vas en parler, on va te dire “Il fallait t’y attendre, tu sais très bien comment ça se passe dans ce genre d’endroits”, et à la fin je vais juste culpabiliser d’être sortie. Mais comme tout le monde, en fait. »

DES COMMENTAIRES ÉDIFIANTS

Les commentaires sous la vidéo sont édifiants et confirment cette exclusion : « C’est pas faute d’avoir prévenu les filles, c’était pas pour vous cette nuit, on vous avait dit de rester chez vous », ou encore : « T’es une femme et tu vas sur Paris alors que tu sais que ça va être le chaos qu’on gagne ou qu’on perde. T’es débile ? ».

Ce climat anxiogène ne tient pas uniquement aux débordements violents ou aux comportements déplacés. Il s’inscrit dans une configuration plus large : celle d’un espace public encore marqué par une domination masculine, en particulier lors de grands rassemblements sportifs. En d’autres termes, ce n’est pas tant qu’on interdit aux femmes d’y être, c’est qu’on ne leur donne aucune raison de rester.

Cette présence masculine écrasante, conjuguée à l’absence de cadres sécurisants, produit une exclusion silencieuse, mais bien réelle. Participer devient un acte d’audace, parfois un risque. S’abstenir, une prudence presque logique. Cette mise à l’écart ne se joue pas uniquement dans la rue. Elle trouve aussi ses racines dans la manière dont le football féminin continue d’être perçu, traité et diffusé. Car si la passion du ballon rond traverse les genres, sa médiatisation, elle, reste profondément inégalitaire.

UN SPORT ENCORE LARGEMENT INÉGALITAIRE

Les performances ne manquent pourtant pas. L’équipe de France féminine enchaîne les qualifications en tournois internationaux. La D1 Arkema, le championnat français féminin, attire de plus en plus de talents, de clubs et de public. Des joueuses comme Eugénie Le Sommer, Kadidiatou Diani ou Grace Geyoro sont aujourd’hui parmi les meilleures d’Europe. Pourtant, leur visibilité médiatique reste moindre. Cette année, la finale de la Ligue des champions féminine était programmée à 17h45 sur la chaîne L’Équipe. Alors que la finale masculine opposant le PSG et l’Inter était diffusée en prime time sur M6 et Canal+, attirant plus de 11 millions de téléspectateurs. Mais les choses évoluent dans le bon sens : cet été, TF1 a annoncé qu’elle diffuserait en prime time les matchs de l’Euro féminin de football.

Dans l’imaginaire collectif, le football reste une affaire d’hommes. Sur le terrain comme dans les tribunes. Résultat : les femmes qui aiment le foot sont encore trop souvent sommées de se justifier. Prouver qu’elles connaissent les règles, les joueurs, les palmarès.

Cette double peine – sous-représentées dans les compétitions, peu considérées comme supportrices légitimes – fragilise encore la place des femmes dans l’univers du foot. Moins visibles dans les médias, parfois stigmatisées dans l’espace public, elles peinent à s’imposer comme actrices à part entière d’un sport qu’elles pratiquent, qu’elles suivent et qu’elles aiment souvent autant que les hommes.

Capucine Foucher

04/06/2025


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2 Commentaires

  1. Le vrai problème est la surreprésentation des maghrébins des banlieues lors de ces manifestations festives. Dans leur culture la femme reste à la maison celles qui y vont sont des prostituées… La charia est en marche et stop à ces discours sur le manque de visibilité des femmes dans notre société. Nous sommes une société en voie de charia, ne nous voilons pas la face