NOUVELLE CALEDONIE : NON A L’INDEPENDANCE
(L’Imprécateur)

Dimanche 4 novembre, la Nouvelle-Calédonie a une fois de plus voté pour son destin par un référendum largement conçu pour donner un coup de pouce aux partisans de l’indépendance. En imposant des conditions spécifiques pour être inscrit sur la liste spéciale au référendum, comme ne pas avoir été absent plus de deux ans, ce qui pénalise par exemple les étudiants partis plus de deux ans en Métropole, en Australie ou aux Etats-Unis, même les kanaks, ainsi que de nombreux militaires pourtant basés en Calédonie. La dernière mesure prise dans ce sens : l’inscription automatique décidée en début d’année d’environ 11 000 électeurs supplémentaire non inscrits, résidents depuis au moins trois ans dont 7 000 mélanésiens et 4 000 “autres”.

Le résultat n’est pas à la hauteur de ce qu’espéraient les indépendantistes mais meilleur pour eux que d’habitude : le résultat en faveur du non est légèrement inférieur à ceux des sondages, à 57 %, avec une forte participation de 80 %.

Le plus étonnant est que le résultat était connu d’avance, non seulement par les sondages qui donnaient le “non” gagnant dans une fourchette de 60 à 70 %, mais également par les Bourses : Eramet, le dernier géant des groupes miniers et métallurgiques français a progressé de 4,42 % mercredi à la bourse de Paris. Les investisseurs anticipant sur le résultat négatif du référendum en Nouvelle-Calédonie.

Cela n’a pas empêché un petit groupe d’indépendantistes menés par le milliardaire kanak Louis Kotra Uregei, président de plusieurs sociétés maritimes, de prôner le boycott du référendum qui, selon eux, ne devrait être ouvert qu’aux kanaks “de souche”. Il est soutenu par la section locale du PS et par les trotskistes qui, en France, défendent une thèse exactement contraire en plaidant pour l’ouverture des élections aux migrants ! Maintenant que le non l’a emporté, ils demandent que seuls les votes kanaks soient retenus (M. Washetine sur NC 1ère).

Bien que la Nouvelle Calédonie soit à part entière membre de la République française, ce référendum n’a pas été médiatisé en France métropolitaine, comme si les Français n’étaient pas concernés alors que la Calédonie est un élément essentiel de la géostratégie de la France dans le Pacifique qui couvre près de la moitié du globe. Le président lui-même est en congé maladie dans un hôtel 5 étoiles de Honfleur, mais il a fait l’effort d’intervenir pour commenter le résultat du référendum à  13 h ce dimanche, la Calédonie, décalage horaire de 10 h oblige, ayant commencé à voter dans la nuit de samedi à 22 h.

Un président qui d’ailleurs connaît bien mal le sujet puisqu’en mai dernier il a fait de la Nouvelle Calédonie “la dernière présence européenne dans le Pacifique“, ignorant sans doute que la côte Ouest des Amériques qui baigne dans le Pacifique est entièrement européenne du Nord Alaska au Sud Patagonie, que la Nouvelle Zélande et l’Australie au Sud-Ouest sont européennes, que de nombreuses îles se sont volontairement mises sous tutelle américaine, australienne ou néo-zélandaise.

À vrai dire la seule chose qui l’intéresse dans la Nouvelle-Calédonie, est qu’elle s’insère au centre de l’arc défensif anti-Chine allant de l’Inde à la Polynésie qu’il prétend avoir conçu, alors que l’Inde, l’Indonésie et l’Australie s’équipent depuis des années dans ce but. Or la Chine n’est plus qu’à quelques centaines de kilomètres de Nouméa par la base, pardon, “les facilités portuaires” selon la terminologie officielle chinoise, qu’elle est en train de construire à Santo au Vanuatu (à 500 km du nord calédonien), un archipel qu’elle contrôle déjà largement et dont les îles méridionales (Anatom) sont à moins de 250 km des îles Loyauté de l’archipel calédonien. La Nouvelle-Calédonie indépendante, les Chinois y seraient d’autant plus vite qu’ils y ont déjà leurs entrées par des accords économiques et commerciaux avec les sociétés minières “kanak” du Nord calédonien solidement tenues par le milliardaire André Dang.

 

André Dang, grand patron du nickel “kanak” du Nord
et grand ami de la Chine

 

 

 

Mais la  Nouvelle-Calédonie c’est aussi le troisième producteur mondial et le quatrième stock minier mondial potentiel de nickel, la SLN, filiale calédonienne du groupe Eramet, est le premier producteur mondial de ferronickel.

L’usine “du Sud” produit Nickel et Cobalt à partir des latérites.

Elle est aussi riche de terres et minerais rares, notamment par les immenses champs sous-marins de nodules et de boues polymétalliques qui l’entourent et sont pour le moment totalement inexploités, leur recensement étant à peine commencé. Or les programmes de transition énergétique, s’ils se réalisent, vont nécessiter d’énormes quantités de ces métaux et terres rares dont l’extraction, le raffinage et la destruction ou le recyclage en fin de vie industrielle sont extrêmement polluants.

Sans la Nouvelle-Calédonie, la France deviendrait dépendante de la Chine à presque 100 % pour sa transition énergétique car éoliennes, panneaux solaires, voitures électriques et leurs batteries consomment énormément de ces métaux et terres rares.

Ce référendum du 4 novembre clôt provisoirement trente années de calme civil et de prospérité économique. Mais le niveau de vie élevé dont bénéficient les néo-calédoniens, comparable à celui des néo-zélandais, presque celui des australiens, ne change rien à l’affaire. Les Calédoniens l’ont vécu en 1984, quelques semaines de troubles et de violences peuvent casser pour des mois l’économie la plus florissante. Ce dimanche, à peine les premiers résultats partiels connus donnant l’indépendance perdante, des voitures ont commencé à être incendiées ou victimes de jets de pierres dans Nouméa même, et les tribus du nord (St Paul) et du sud (St Louis) de Nouméa ont barré les routes et tiré des coups de fusil.

Le premier ministre Philippe le sait, c’est l’une des raisons de son voyage. Il espère désamorcer la guerre civile naissante, si possible, et une période longue à craindre de troubles, en trouvant en quelques heures une entente pour le rétablissement d’un climat de paix civile afin de permettre à tous ceux qui sont appelés à poursuivre leur cohabitation d’approfondir leur connaissance mutuelle et le respect qu’ils éprouvent déjà et qui a permis ces trente années de paix et de dialogue.

S’il était impossible de trouver un terrain consensuel, il serait souhaitable que chacune des tendances politiques ait alors le courage et la loyauté d’annoncer sans détour ses vues sur l’après 2018, de manière à ce que le choix des investissements soit adapté à l’avenir et que les investisseurs puissent se décider en connaissance de cause, condition sine qua non du futur développement.

Bien que l’histoire des précédents référendums qui ont eu lieu dans la région (Timor Est, Papouasie occidentale, Nouvelle-Calédonie 1998…) nous l’ait appris, on sait peu que le succès définitif n’est acquis que s’il est entériné par une entente de plus ou moins 90 % de la population. On peut imposer les conséquences d’une décision aussi grave que celle qui sort d’un tel référendum à 5, peut-être 10, rarement 15 % des opposants, on ne l’impose pas à 30 ou 40 % de gens s’ils sont décidés à ne pas se laisser faire. En Nouvelle-Calédonie, cela pourrait se traduire un jour par une partition Nord-indépendant, Sud-Français, dont personne ne dit vouloir pour le moment.

Les deux tiers de la population et la moitié des kanaks vivent à Nouméa

Timor a été un succès parce que 90 % des votants, y compris un grand nombre de colons indonésiens (essentiellement commerçants et fonctionnaires) ont voté pour l’indépendance. Les massacres qui ont eu lieu dans les semaines suivantes ont été faits par l’armée indonésienne à la demande de son gouvernement, par vengeance islamique (églises chrétiennes incendiés avec les fidèles enfermés à l’intérieur, etc.). Une  fois l’Indonésie partie, la paix est revenue.

La Papouasie occidentale a été un échec parce que seulement un millier de Papous sur trois millions ont eu le droit de vote, et soigneusement choisis par l’administration indonésienne parce qu’ils étaient illettrés ! Depuis, la Papouasie occidentale est en guerre civile larvée permanente avec son quota annuel de victimes, et un total estimé à environ 300 000. Une guerre dont la presse occidentale ne parle jamais. La Nouvelle-Calédonie revotera donc. Dès 2020 peut-être.

En Nouvelle-Calédonie, les résultats électoraux des soixante dernières années révèlent une grande stabilité électorale : entre 60 et 70 % pour le maintien dans la République, un bon tiers fluctuant pour l’indépendance. Dans les tribus canaques, c’est l’inverse, deux tiers pour l’indépendance, un tiers pour la France. Mais les choses bougent, les femmes canaques qui ne votaient que peu ou pas votent de plus en plus et elles sont conscientes de ce que leur niveau de vie dépend beaucoup des aides sociales venues de France (jusqu’à 80 % des revenus dans les tribus).

Même chose avec la classe moyenne et supérieure canaque qui s’est constituée depuis une trentaine d’années, essentiellement des fonctionnaires et quelques artistes car l’entreprise n’est pas dans la culture canaque (peu ou pas d’artisans et de chefs d’entreprises), avec à l’intérieur de ce groupe une répartition à nouveau un tiers deux tiers entre les cadres supérieurs et les élus certains de retrouver dans l’indépendance des postes bien payés et les “petits” fonctionnaires qui comprennent que si la France s’en va leur niveau de vie chutera puisque c’est elle qui les paie. Le problème, c’est qu’en dehors des communes de la côte Ouest majoritairement européenne, la pression sociale est très forte pour que les opposants à l’indépendance s’abstiennent, et souvent des groupes d’indépendantistes sont à l’entrée des bureaux de vote pour le leur rappeler.


L’Imprécateur

6/11/2018