REQUIEM POUR « LES REPUBLICAINS »
(Jean Goychman)

Les élections européennes ont sonné le glas du parti LR. C’est un fait. On peut chercher à minimiser le score, trouver des excuses aux uns et autres, ceci ne doit rien au hasard. Depuis des décennies, qu’il s’appelle RPR, UMP, LR ou quoi qu’on veuille d’autre, ce mouvement portait en lui le germe fatal de sa destruction.

 


 

Le vrai problème ne pouvait être clairement abordé

Le RPR s’est construit sur la continuité de la pensée gaullienne. Qui ne se souvient du grand élan patriotique du discours fondateur du 5 décembre 1976 dans lequel Jacques Chirac déclenchait une standing ovation en proclamant « Il faut faire l’Europe sans défaire la France » et tout était dans cette petite phrase. Hélas, cette volonté était loin d’être partagée par d’autres, et notamment ceux qu’on appelait « les centristes », parmi lesquels se trouvaient les Républicains Indépendants, menés par Valéry Giscard d’Estaing. Ceux-là avaient, au fil du temps pris d’abord du recul, avant de prendre le large en s’écartant volontairement de la voie tracée par de Gaulle.

Ils étaient, comme on dit aujourd’hui, atlantistes et partisans d’une Europe intégrée, qui ne s’appelait pas encore fédérale. L’ambiguïté remonte aux élections présidentielles consécutives à la mort de Georges Pompidou, lorsque Chirac apporta son soutien à Giscard contre Chaban-Delmas. Cette manœuvre tacticienne demeura, pour la plupart des électeurs gaullistes, totalement incomprise car Chaban pouvait passer pour le fils spirituel de de Gaulle.

De ce quiproquo originel, naquit une fêlure profonde mais difficilement visible qui n’empêcha pas Chirac de devenir le chef reconnu du RPR. Les gages de son gaullisme apparurent suffisants et sa brouille médiatisée avec Giscard achevèrent de regagner, du moins en apparence, une confiance quelque peu fragilisée.

L’arrivée au pouvoir de la Gauche mitterrandienne en 1981 obligea le RPR et les RI, entretemps fusionnés avec les Réformateurs, les Centristes et les Démocrates Sociaux sous le sigle UDF, à grouper leurs votes pour s’opposer à cette majorité. L’heure n’était plus aux atermoiements et il fallait repartir à la conquête du pouvoir.

Un seul intérêt commun

La raison profonde de cette coalition contre nature était qu’elle permettait d’envisager un retour rapide au pouvoir. Autant la Gauche avait gagné les élections sur un « programme commun », autant l’absence d’un tel document permettait de « mettre sous le tapis » des différences de vue – pour ne pas dire des divergences – qui risquaient de réduire à néant la cohésion de l’ensemble. C’était une démarche dont la seule finalité était la reconquête du pouvoir politique et en aucun cas de voir ce qu’on en ferait après. On peut dire que la longévité de Mitterrand à l’Elysée  était le meilleur garant de l’unité de cette coalition.

En 1992, Chirac, après avoir hésité, a fait campagne pour Maastricht sans provoquer une hémorragie massive des gaullistes en raison des futures élections de 1995. La chance de Chirac fut d’avoir face à lui en 2002 Jean Marie Le Pen et de l’emporter par un score écrasant alors qu’il n’avait réuni que 20% des votes à l’issue du premier tour. Ce deuxième mandat aurait dû être l’occasion d’une remise en cause d’un parti qui ne tenait plus que sur l’élection présidentielle et qui avait pris le nom très explicite d’ UMP (Union pour une Majorité Présidentielle). Le référendum de 2005 aurait du retentir comme une alarme rouge car il montrait clairement que le peuple de France refusait le fédéralisme européen. Malheureusement il n’en fut rien et l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, qui trouva dans les électeurs du Front National les voix complémentaires indispensables le prolongea pour cinq ans. Le nombre des sympathisants s’était réduit et ce signe inquiétant aurait dû alerter les dirigeants. Les élections européennes de 2014 gagnées par le Front National était également un signe avant-coureur puissant. Tout portait à croire qu’à la moindre occasion qui allait se présenter, les héritiers des centristes devenus entre-temps d’ardents partisans de la cause euro-mondialiste allait larguer les fragiles amarres qui les retenaient au reste du vaisseau désemparé. Car si le projet européen de la composante ex-RPR du mouvement LR restait soigneusement dans l’ombre, l’émergence progressive du candidat Macron allait agir comme le signal du départ des euro-mondialistes.

L’élection de Macron a été le coup de grâce.

Emmanuel Macron, soutenu par l’ensemble des médias « mainstream » et des groupes d’influence comme le Club des Bilderberg, allait rapidement apparaître puis grimper dans les sondages. Si le danger Sarkozy pouvait être assez facilement contenu en raison de son échec de 2012, les LR pouvaient encore l’inquiéter car en cas de duel au second tour avec eux, personne ne pouvait prédire vers qui se porterait le choix des électeurs de Marine Le Pen, mais on pouvait conclure rapidement qu’ils n’iraient pas sur son nom.

L’affaire Fillon est arrivée juste à point nommé. Elle a en même temps tué ce qu’il restait des LR et fait gagner Macron. Il est de ces hasards qui font bien certaines choses…

Certains rechignent encore à y croire

Ce qui n’est pas un hasard, par contre, c’est que l’acte de décès vienne des élections européennes. Dans ce qui est devenu un parti de notables, bien implanté sur un plan local dans les mairies, les départements et les régions, il n’est pas nécessaire de s’étendre sur la façon dont on conçoit l’Europe. Les administrés demandent autre chose.

Par contre, lors d’une campagne en vue d’une élection européenne, il faut bien, et c’est la moindre des choses, parler de l’Europe. C’est difficile lorsque on ne peut pas ouvertement prendre parti dans le choix crucial qui apparaît aujourd’hui entre une « Europe des Nations » et une « Europe fédérale » qui sont totalement antinomiques. Les électeurs ne s’y sont pas trompés et le désaveu est on ne peut plus net.

Mais le plus étonnant est que certains s’illusionnent encore avec le retour dans leurs rangs, tels les enfants prodigues, des centristes. Quelle naïveté ! Voila près de dix ans qu’ils attendaient le vent favorable pour quitter cet espace encalminé et penser qu’ils pourraient revenir au bercail est, certes, touchant, mais irréaliste.

S’ils veulent encore participer à une œuvre nationale et ne pas rester confinés dans leurs territoires, ils n’ont d’autre solution que de rejoindre et se fondre dans la République en Marche ou opter pour une grande coalition de droite nationale que la majorité du pays appelle.

Jean Goychman
5/6/19

3 Commentaires

  1. RPR, UMP, LR, ça n’a jamais été la droite. Ils ont toujours, sous couvert du terme “droite” fait une politique de gauche ! C’est pourtant bien connu ! A part quelques un(e)s, tous les autres sont mijorés et font une politique informe, insipide, de placement des copains dans la prise du pouvoir et tous ces gens ne jouent que pour eux. Malgré ce qu’ils affirment avec les trémolos dans la voix, ils n’en ont rien à secouer de la France. Seule leur carrière compte, tout comme au PS ou maintenant à LREM. Et ça vous étonne ?!!!

    Depuis que j’ai 18 ans, je constate toujours le même train train de politiciens incompétent qui mène simplement la France au sein de la crise avec de belles paroles d’enfumage, incapables de la sortir de là et lui donner une croissance à 2 chiffres. Ils se contentent de micro pourcentages après la virgule ! Tu parle d’un progrès et d’une réussite !!!!
    Ce sont tous p’tits rigolos qui se disent gaulliste, mais ça ne veut plus rien dire au 21ème siècle, je suis désolé. Alors autant clarifier nettement l’esprit qui les anime au lieu de se prétendre “gaulliste”, terme qui est devenu on ne peut plus flou et délétère à l’heure actuelle. On dirait “poutiniste” ou “trumpiste” que ça serait bien plus clair. On est au 21ème siècle, pas en 1940 !

  2. La Gauche est au pouvoir depuis 1789 et vous n’êtes pas encore sorti de la matrice?
    Vous raisonnez à l’intérieur du système républicain. Voici ce que dit Monsieur Adeline dans son ouvrage :la Droite Impossible”
    Qu’est-ce qu’un homme de droite, ou ce qui en tient lieu, en 1789, à la convocation des Etats généraux  ? Un sujet de Louis XVI. Il est encore trop tôt pour qu’il se dise royaliste, mais enfin c’en est un, naturellement. Dans quelques jours cependant, il sera déjà «  d’extrême droite  », pour peu qu’il refuse le premier bouleversement imposé par la gauche  : un serment au Jeu de Paume, et la constitution d’une assemblée nationale se substituant aux réunions par ordres – clergé, noblesse et tiers état. Etre de droite ne commence donc que le jour où ,ayant accepté, ou au moins subi passivement cette initiative de la gauche – donc acceptant d’entrer dans le mécanisme de la gauche – on se range, résolument tout de même, à la droite du Roi. Mais pour combien de temps  ? Déjà la droite se subdivise entre les partisans d’une monarchie à l’anglaise et ceux qui souhaitent préserver les pouvoirs de la Couronne. A leur tour, les premiers sont d’extrême droite  : on a déjà oublié la période d’avant la Constituante, il n’est déjà plus permis d’y penser. Mirabeau, animateur du Serment du Jeu de Paume, donc de gauche, en tient pour une monarchie constitutionnelle  : le temps n’est pas loin où cette idée-là passera de la gauche à la droite, puis à l’extrémité de la droite, puis au néant. «  Tenir le pas gagné  », dira Rimbaud  : un phénomène de cliquet permet de passer d’un cran à un autre, selon un processus non-rétrogradable. Un jour, l’homme de droite, quand il sera de nouveau autorisé à l’être, après que la Révolution ait été réputée ”finie”, ne sera plus désigné que sous l’étiquette ”conservateur”. Mais pour conserver quoi  ? Légitimiste sous Louis-Philippe, il sera royaliste au début de la IIIe République, puis républicain de droite. Hostile à l’avortement avant Giscard, partisan de la peine de mort avant Miterrand, l’abrogation de l’un et le rétablissement de l’autre lui apparaissent aujourd’hui impensables, ou même indésirables  : le cliquet est déjà fixé trop loin, il s’agit désormais du mariage des homosexuels, de leur possibilité d’adopter des enfants, de la légalisation de l’euthanasie, de droit de vote pour les immigrés, etc. La gauche poursuit sa révolution, la droite la subit, tout simplement parce que notre système politique a été imaginé par la gauche. La droite, volontiers appelée au pouvoir par le peuple, parce qu’elle ne manque pas de qualités de gouvernement, n’y sera jamais que locataire: le propriétaire est naturellement la gauche.  »
    En définitive, en République, le citoyen qui se dit de droite ou d’extrême droite est l’éternel cocu d’un système qui le méprise, et devient le complice de toutes les lois liberticides actuelles. Je lui conseille donc de continuer à faire son ”devoir de citoyen”, en allant voter pour des candidats choisis par le système.

    • Je suis assez d’accord avec vous. J’ai toujours dit qu’il fallait repenser le système, la république de fond en comble. Les Anglais en passant ont fait, comme d’autres pays, un bon compromis en conservant un roi ou une reine représentant vivant d’un peuple qu’il ou elle personnifie. Et ça fonctionne bien depuis longtemps. Ces pays ne sont pas miséreux.
      La république, c’est la gauche au pouvoir depuis 1789, en effet.

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