“J’ETAIS JUSTE VENU SOIGNER…”
(Docteur Jérôme Marty)

Depuis ce matin 3 février, une grève des médecins est lancée. Elle est une fois de plus la conséquence de l’incompétence devenue éclatante de l’administration française crispée sur ses privilèges, pilotée par une génération de Sciences-Po-ENA dont l’arrogance est inversement proportionnelle aux résultats de plus en plus désastreux qu’ils obtiennent.

Rien de grave, nous objectera Macron, un pays c’est comme une entreprise : quand il est ruiné par ses dirigeants qui l’on consciencieusement pillé, on trouve toujours un repreneur pour le racheter, moyennant quelques licenciements, baisses des salaires et des retraites. Black Rock est déjà sur les rangs, mais derrière il y a aussi Goldman Sachs, Rothschild, Lazard, tous des amis de Macron.

Les ministres l’ont compris, ils sont déjà plusieurs, dont le premier ministre et le ministre des finances, à abandonner leur poste pour aller aider leurs petits camarades dans les municipalités où ils vont essayer de sauver les derniers débris d’une LREM en état de décomposition avancée.
Et parmi eux… l’ineffable Agnès Buzin. Elle a des loisirs, après tout, il n’y a qu’un début de pandémie mondiale où la France a été le premier pays d’Europe à être touché… et une grève des médecins, elle aussi en début de développement.

La lettre du docteur Marty a été publiée sur Contrepoints, elle est poignante et montre où est tombée notre médecine détruite par les incompétents diplômés du ministère de la Santé.

Suricate (en colère)
3 février 2020


 


J’avais bossé le conc
ours
le plus dur, j’avais échoué, je m’étais relevé, j’avais bossé encore bossé toujours, j’étais juste venu soigner

Entre la fac et l’appart, l’appart et la fac, la B.U (1), l’appart, la fac, l’hôpital, la B.U, l’appart, mes années étudiantes sont passées.

Rapidement j’ai donné plus que j’ai reçu, les manques à l’hôpital débutaient, et n’allaient que s’aggraver. J’étais juste venu soigner…

J’ai vu s’étendre le poids du papier, s’épuiser les équipes, augmenter les costards gris, diminuer les blouses blanches, et au-delà des heures, j’ai vu les internes remplacer les docteurs.
J’étais juste venu soigner…

J’ai vu se multiplier les ARS (2), grandir l’HAS (3), fermer les maternités, les cliniques, les petits centres hospitaliers. J’ai vu grandir les hôpitaux-usines et les fonds de pensions tout acheter. J’ai vu l’économie supplanter le soin, et transformer les maîtres d’un savoir en paramètres.
J’étais de ceux là, j’étais juste venu soigner.

Médecin de ville, j’ai vu mes tarifs ne plus progresser, mes charges augmenter, j’ai dû faire face. J’ai augmenté mes cadences alors que déjà nombre de confrères partaient. J’ai vu l’Assurance maladie se transformer en censeur absurde et les ARS me considérer déconsidéré, dégradé et simple relais.
J’ai fait face, j’étais juste venu soigner.

J’ai vu les déserts médicaux augmenter et les politiques me désigner coupable de leurs actions, j’étais devenu une conséquence vivante, je les ai vus faire de moi une cause. J’étais juste venu soigner…

J’ai vu les patients ne plus trouver de médecin, les distances et les délais de soins augmenter, j’ai vu grandir la catastrophe, j’ai vu la santé s’effondrer. J’ai vu ma profession attaquée : « incapable de s’organiser »« prescrivant trop », « coûtant trop »« égoïste, ingrate et corporatiste »
J’étais juste venu soigner…

Il fallait l’organiser, la rendre plus efficiente, changer ses modes de rémunérations, renforcer l’administration, augmenter ses cadences, l’obliger, l’obliger, l’obliger…
J’étais juste venu soigner…

Et puis j’ai vu s’annoncer une réforme des retraites qui lui enlevait son dernier domaine d’indépendance, qui retirait les réserves qu’elle avait accumulées parce qu’elle s’était adaptée. J’ai vu l’État promettre que « tout allait bien se passer, que c’était normal de tout mettre dans le même panier ». Un système où tout le monde cotise ne pouvait être déficitaire et ne pouvait servir de banque où piocher…
J’étais juste venu soigner…

J’avais vu la Sécu s’enfoncer, de politique sanitaire en politique sanitaire. J’avais vu mes tarifs être encadrés par l’Objectif des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) dont la progression était votée par le Parlement dans le cadre de la Loi de Financement de la Sécurité sociale…

J’étais juste venu soigner et j’avais été au centre du sabotage. Je connaissais dès lors tous les travers d’un système étatique, basé sur des points à la valeur votée chaque année par le parlement et liée à l’état économique du pays.

Ils répétaient la même erreur. Après avoir cassé mon exercice, ils brisaient ma retraite.
J’étais juste venu soigner.

Vous avez ignoré jusqu’à l’existence même de mes consœurs et de mes confrères et leur capacité de s’opposer. Nous étions là avant vous, nous serons là après vous, vous ne ferez pas, quoi qu’en dise vos minables gourous, de médecine sans médecins et de soin sans soignants.

Nous sommes l’indispensable… Nous étions venus soigner.

Il suffisait de presque rien pour que l’on s’arrête, il suffisait de vous…

Arrêt d’activité de la profession, à partir du 3 février 2020.

Docteur Jérôme Marty
3 février 2020

(1) Bibliothèque universitaire.

(2) Agences Régionales de Santé, chargées de mettre en œuvre la politique de santé décidée par le gouvernement et de rationaliser l’offre de soins.

(3) Haute Autorité de Santé : évalue, recommande et certifie les actes médicaux et les bonnes pratiques en vue de la validation de leur remboursement par l’Assurance maladie.

 

3 Commentaires

  1. C’est sûr que dans ce contexte, une épidémie est malvenue…Et si elle est grave, on peut imaginer le désastre… Le système risque d’exploser en vol et vu qu’il vole en basse altitude…Mais les politiciens s’en foutent, ils ont pour eux et leurs familles les hôpitaux militaires. Les gueux “grandes gueules-petits bras ” peuvent bien crever.

    • Non, ils ont fermé presque tous les hôpitaux militaires ! C’est sûr que leur vieillesse ne va pas être drôle : “ministre ou pas t’attendras le bassin comme les autres, je suis toute seule pour trente lits “. Et “je ne veux pas de ce médicament – mais vous l’aurez quand même, vous savez bien que c’est le poison que vous aviez magouillé avec les multinationales et ça fait partie du protocole que vous avez rendu obligatoire – et puis si vous n’allez pas mieux demain, c’est la piqure finale, parce que vous coûtez trop cher, c’est ce que vous aviez décidé avec vos copains sénateurs, non ? “

      • Je pense que les politiciens et hauts fonctionnaires auront des équipes dédiées et aux petits soins quitte, au pire, à aller à l’étranger comme le font des gens du même acabit provenant du tiers-monde et d’Afrique… Ces gens ont largement les moyens. Après, face aux médicaments et leurs effets secondaires, c’est une autre histoire, en effet. Cela dit, la santé ne s’achète pas.

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