LA GAUCHE CONTRE « LE GRAND REMPLACEMENT »… DES KANAKS ! (Eugénie Bastié)

Comment aurions nous pu faire l’impasse sur la tragédie qui frappe actuellement la Nouvelle Calédonie ? L’un des fondateurs de Minurne, qui a longtemps vécu et travaillé sur le « caillou » avait publié sur Minurne plusieurs articles sur le sujet, que vous trouverez facilement en effectuant une simple recherche sur le blog. Rétrospectivement, et à la lecture de ses articles, le moins qu’on puisse dire, est qu’il avait vu juste. Fin connaisseur des complexes réalités locales, il avait participé en qualité de consultant, aux accords de Matignon de 1988 et de Nouméa en 1998.
Il vit toujours, mais n’écrit plus.
Je profite de cette courte introduction pour le remercier de tout le travail qu’il a effectué depuis le lancement de Minurne.
J’ai nommé « l’Imprécateur »
L’article ci-dessous, signé d’Eugénie Bastié dans le Figaro du 18 mai, nous a semblé d’une pertinence et d’une justesse que nous n’aurions su atteindre sans l’aide de l’Imprécateur. Quelle que soit la suite de ce qui pourrait constituer le début d’une tragédie, on est obligé de constater, une fois de plus, que le Droit et la Justice ne relèvent pas de la vérité absolue, surtout pour ceux qui se targuent d’être « de gauche » et qui se prétendent singulièrement « insoumis ».
Ainsi, pour certains, le « droit du sol », qui s’applique en France (métropolitaine et Dom/Tom) pour l’ensemble des natifs, quelle que soit leur origine, ne devrait pas s’appliquer en Nouvelle Calédonie (terre pourtant française) pour les « métropolitains » voire pour certains natifs blancs locaux, immigrés en situation régulière récents ou installés parfois depuis plusieurs générations (les Caldoches) ?
Je pense à Blaise Pascal, évoquant la subjectivité et la relativité du Droit « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà ».
Au fond, tout est relatif, et il faut pouvoir faire dire au Droit ce que l’on veut… Dernier édifice à « déconstruire ». Le Droit changerait, non seulement dans le temps, mais aussi dans l’espace…
Avec de tels principes, on ne peut qu’aller vers la catastrophe…
Surtout après plusieurs référendums ayant pourtant sagement confirmé le contraire…

Marc Le Stahler

20 mai 2024

Paru dans Le Figaro  le 18 mai 2024

À l’occasion de la crise en Nouvelle-Calédonie, on voit des personnalités habituellement vent debout contre les positions identitaires défendre le droit du peuple kanak à ne pas être minoritaire chez soi.

« Un peuple en ces lieux refuse de décliner, de dépérir, de s’éteindre. Ils sont ainsi les peuples : attachés à leurs racines, leurs cultures, leurs mythes » : non ce ne sont pas des propos de Renaud Camus sur les Français de souche ou de Philippe de Villiers sur les Vendéens, mais bien l’extrait d’un communiqué de l’ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira, sur la révolte des indépendantistes kanaks. L’égérie de la gauche antiraciste avait déjà parlé, en 2006, de « Guyanais de souche en train de devenir minoritaires sur leurs sol » et plaidait à l’époque pour une maîtrise de l’immigration illégale en Guyane. La même Christiane Taubira qui défendait le droit de vote des étrangers aux élections locales trouve donc normal que des citoyens français n’aient pas le droit de vote en Nouvelle-Calédonie. Elle qui fustigeait lors de la loi immigration la « paranoïa de la grande invasion » s’inquiète du devenir minoritaire du peuple kanak autochtone.

Elle n’est pas la seule à gauche à s’enferrer dans cette contradiction. Le journaliste de « Quotidien » Jean-Michel Apathie évoque des « personnes d’origine européenne » et une « démographie favorable aux Caldoches ». Le fondateur d’« Arrêt sur images », Daniel Schneidermann, tel Diderot parlant des « bons sauvages » tahitiens, évoque « un peuple (qui) vivait paisible sur une terre » avant que les méchants colons ne débarquent, ignorant visiblement que vivaient sur cet archipel plusieurs populations aux langues distinctes se faisant cruellement la guerre. Le député communiste André Chassaigne s’est adressé ainsi au gouvernement : « Ne vous inscrivez pas dans un processus de colonisation qui consiste à mettre en minorité un peuple sur sa propre terre. »

Effectivement, il y a, derrière les émeutes actuelles, la révolte identitaire d’un peuple kanak qui n’accepte pas de devenir culturellement minoritaire sur son sol historique. Rappelons que cette population autochtone de Nouvelle-Calédonie constitue aujourd’hui environ 40 % de la population, pour 30 % d’origine européennes (Caldoches) et 30 % de diverses origines alimentées par l’immigration. Rappelons aussi que les indépendantistes ont perdu trois référendums, ayant appelé au boycott du dernier. Si la Nouvelle-Calédonie est encore une colonie, c’est dans un seul sens : celui d’une dérogation aux lois communes de la métropole par la pratique exceptionnelle et antidémocratique du gel électoral. En Algérie française, c’était les indigènes qui étaient privés de droit de vote. En Nouvelle-Calédonie, ce sont les nouveaux arrivants. Et on parle de « situation coloniale » ?

Il est pour le moins curieux que la gauche, qui s’inquiète d’une montée du racisme en France, défende finalement une vision ethno-différencialiste dans les outre-mer. Les mêmes qui veulent sacraliser le droit du sol prônent le droit du sang à Nouméa. Les mêmes qui fustigent la préférence nationale défendent la préférence kanake. Le « grand remplacement » est un complot d’extrême droite en métropole, il doit être combattu en Nouvelle-Calédonie.

Pourquoi ne pas faire lire aux Kanaks le livre de Patrick Boucheron, Histoire mondiale de la France ? Ils y apprendraient que, depuis la grotte Chauvet où se déployaient les « prémices d’une humanité migrante et métissée », les nations ne sont que des bouts de sols où transitent des troupeaux humains. Dans nos musées et dans nos livres d’histoire, on nous apprend qu’il n’y a pas de « peuple historique », que la revendication de racines conduit au massacre, que le brassage des cultures est formidable et qu’il faut ouvrir les frontières et refuser le repli. Alors pourquoi ces deux poids, deux mesures, quand il s’agit des Kanaks ?

Parce que la grille décoloniale s’applique uniformément partout : à Gaza, dans les banlieues, à Nouméa et à Sciences Po. Comme le marxisme, c’est une vision univoque de l’histoire qui la réduit à l’affrontement entre oppresseurs et opprimés, ces derniers obtenant par leur oppression passée tous les droits. Le colonialisme du passé étant le grand péché absolu, seuls les anciens colonisés ont le droit de revendiquer leur identité. Les peuples européens, menacés par une immigration massive qui bouleverse leurs équilibres, n’ont, eux, pas le droit de défendre leurs cultures, leurs traditions.

Il ne s’agit pas pour autant de prôner la réduction de l’identité à la tribu, le génie français vaut plus que cela. La France n’est pas une race. La Guadeloupe était française bien longtemps avant la Savoie. Mais on ne peut que relever les contradictions insolubles d’un progressisme qui prône la créolisation pour la métropole, et le « on est chez nous » pour les anciennes colonies. En Nouvelle-Calédonie, la gauche nous joue le sketch des Inconnus : il y a le bon et le mauvais identitaire. Espérons qu’elle redécouvre, avec Simone Weil, que l’enracinement est un besoin universel.

Eugénie Bastié

20/05/2024

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