« …Puis, dans le pire effondrement de notre histoire, des Françaises et des Français en très grand nombre vont montrer que les valeurs de l’humanisme sont enracinées dans leurs âmes. Partout, ils accueillent, cachent, sauvent au péril de leur vie des enfants, des femmes, des hommes, persécutés parce qu’ils sont juifs. Dans ce cauchemar éveillé que les juifs vivent depuis 1940, la France, leur France, à laquelle ils ont cru si intensément, n’a pas disparu… »
(Extraits du discours de Jacques Chirac, le 18 janvier 2007).
À la suite de mon article du 21 août, intitulé « l’antisémitisme reprend du poil de la bête », j’ai reçu des mails de plusieurs lecteurs. L’un d’eux me déclare ne pas comprendre pourquoi je critique « la solution à deux États » qui permettrait aux Israéliens et aux palestiniens de vivre en paix. Or je ne critique pas l’hypothèse de deux États, mais j’ai expliqué à maintes reprises que c’était une fausse bonne idée, totalement irréaliste donc illusoire. Un autre me dit qu’il ne voit pas de différence entre l’antisémitisme et l’antisionisme. Rappelons la définition de l’antisémitisme : du grec anti, contre, opposé et de Sem (qui était l’un des fils de Noé). « L’antisémitisme est un sentiment d’aversion envers les juifs en tant que « race ». Il peut prendre la forme d’une attitude hostile, de discrimination (ghetto, expulsion), de persécution…etc… ». L’antisionisme, c’est la contestation de l’existence même d’Israël en tant qu’État. Macron ne fait pas la différence entre les deux, pas plus que Mélenchon qui est antisémite ET antisioniste. Pourtant, il existe des antisémites pro-sionistes et des antisionistes pro-sémites. Je ne m’attarderai pas sur ce terrain car une kyrielle de lois « mémorielles » (Lois Pleven, Gayssot, HALDE, Taubira…) me l’interdisent. Un autre lecteur m’affirme que l’antisémitisme est imputable au catholicisme. Pour lui, l’hostilité envers les juifs remonte à la mort du Christ (notion de « peuple déicide »). Les catholiques ont bon dos ; on peut les accuser de tout. Pourtant, depuis des décennies, la hiérarchie catholique prône l’œcuménisme dans l’espoir d’unifier les trois religions monothéistes – juive, musulmane et chrétienne -, « les trois religions du livre ». Un œcuménisme rejeté par les musulmans et les juifs (1). Je veux bien, après tout, qu’on impute la persécution des juifs aux catholiques, je rappelle cependant que, pendant que les Almoravides puis les Almohades musulmans d’« Al-Andalus » (l’Andalousie) persécutaient les juifs (et les chrétiens mozarabes (2)), le pape Jean XXII permettait aux juifs de résider en Avignon sans être inquiétés. Plus tard, Clément VI protègera les juifs lors des massacres liés à l’épidémie de peste noire. De 1274 à 1348, on appelait « juifs du pape » les juifs qui vivaient dans le Comtat Venaissin et en Avignon. Plus près de nous, la haine viscérale des juifs du « petit père des peuples » Joseph Staline n’a, que je sache, rien à voir avec le catholicisme. Pas plus, d’ailleurs, que les écrits virulents d’Adolf Hitler dans « Mein Kampf ».
Marek Halter, dans un de ses livres – je ne me souviens plus lequel ? (3) – a tenté d’expliquer pourquoi, depuis toujours, les juifs sont persécutés partout dans le monde. Marek Halter se définit comme un « juif errant ». Né en Pologne, dans le ghetto de Varsovie, ses parents fuiront à Moscou, puis en Ouzbékistan. Sa famille reviendra ensuite en Pologne et enfin en France (4). À la veille de la guerre des six Jours, en 1967, il lance un appel en faveur de la paix au Proche-Orient. Après la guerre, il crée le « Comité international pour la paix au Proche-Orient ». En 1968, il fonde « Éléments », revue à laquelle collaborent des Israéliens et des Palestiniens. En 1979, il crée « Action Internationale contre la Faim » avec Françoise Giroud, BHL, Alfred Kastler, Guy Sorman, Robert Sebbag, ainsi que des médecins, des journalistes et des écrivains. En 1981, on le retrouve parmi des co-fondateurs de « SOS-Racisme ». En 1983, il publie « La Mémoire d’Abraham », l’histoire d’une famille juive, en partie la sienne. Ce livre sera un bestseller mondial qui fera sa gloire, or ce bouquin n’a pas été écrit par Marek Halter mais par un « nègre » littéraire, un certain Jean-Noël Gurgand.
Je ne saurais dire si cet homme de gauche, inlassable militant pour la paix entre les frères ennemis israéliens et palestiniens, est honnête, sincère, naïf, ou s’il est au contraire un gros malin qui a fait son fond de commerce sur le malheur des juifs (5) ? Je sais, en revanche, qu’il a été soupçonné par la DST d’être « un agent des services israéliens ». Je sais aussi que l’ancien résistant juif polonais Michel Borwicz affirme que l’autobiographie de Marek Halter est « bourrée d’inventions pures et simples », et qu’il n’aurait jamais vu le ghetto de Varsovie.
Borwicz récuse aussi l’affirmation selon laquelle le père de Halter aurait tenté de rejoindre le maquis, ainsi que celle de la participation de son grand-père au journal clandestin du ghetto. D’après « Le Point » et « Le Nouvel Obs », de nombreuses anecdotes dont fait état Marek Halter seraient fausses. Il semble donc que les récits d’Halter comportent quelques gros « bobards » mais, pour les raisons évoquées plus haut, vous comprendrez que je n’ai pas d’avis sur le sujet.
Ce que je peux dire c’est que la question d’une terre dévolue aux Juifs est un serpent de mer qui resurgit assez régulièrement au fil du temps. Citons, par exemple, le « plan de Madagascar » dont personne ne parle. Les rares écrits qui l’évoquent nous disent que ce plan – « Madagaskar Projekt » ou « Madagaskarplan » en allemand – était un projet du III° Reich visant à déporter quatre millions de juifs d’Allemagne et qu’il ne fut jamais appliqué. Or cette idée de déplacer les juifs à Madagascar est née… en Pologne, en 1936. La « Commission Lepecki » (du nom de son président) voulait les protéger des Nazis, des Soviétiques mais aussi d’une partie importante de la population polonaise. Madagascar étant alors une possession française, l’idée sera reprise en 1937 par le socialiste Marius Moutet, alors ministre des colonies sous le Front Populaire. Jozef Beck, ministre polonais des affaires étrangères en discuta avec son homologue allemand, Joachim von Ribbentrop, mais la guerre mit un terme provisoire à ce projet commun. Il renaitra en mai 1940 sous l’impulsion d’Heinrich Himmler. Après l’offensive de mai 1940, la « déculottée » de la France étant quasiment entérinée, la question d’un passage sous contrôle allemand de certaines de nos colonies se pose aux Allemands. D’autant plus que, dans leur esprit, il est presque acquis que le Royaume-Uni capitulera rapidement sous les bombardements de la Luftwaffe. De ce fait, les voies maritimes seront libres des attaques de la flotte britannique après un accord de cessez-le-feu. Le 3 juin 1940, Franz Rademacher, chargé des affaires juives, présentera un mémorandum à ce sujet qui prévoyait de garder les juifs d’Europe de l’Est à Lublin, en Pologne, et de déplacer les juifs de l’Ouest hors d’Europe, à Madagascar. C’est Ribbentrop qui communique lui-même ce projet à Hitler. Le 18 juin 1940, Hitler et Ribbentrop s’entretiennent de ce plan avec Mussolini. Informé en juin 1940 du projet, Reinhard Heydrich souhaite y être impliqué. Il écrit donc dans ce sens, le 24 juin, à Ribbentrop. Ce dernier acquiesce et informe Rademacher qu’il a donné son accord de principe à la préparation d’un plan d’expulsion des juifs d’Europe. En juillet 1940, Rademacher écrit dans un rapport : « La victoire imminente donne à l’Allemagne la possibilité et le devoir de résoudre la question juive en Europe. La solution souhaitable est : tous les juifs hors d’Europe. La solution Madagascar signifie la création d’un immense ghetto. Seule la police de sécurité possède l’expérience nécessaire dans ce domaine ». Il ne souhaite pas d’administration coloniale mais un régime d’autonomie avec à sa tête un gouverneur SS. Le 15 août 1940, Eichmann présente un dossier intitulé « Reichssicherheitshauptamt: Madagaskar Projekt » qui prévoit la déportation vers Madagascar d’un million de juifs par an sur quatre ans. Le plan prévoit également la spoliation des biens juifs pour financer la logistique. Le 30 août, Rademacher demande à Ribbentrop de réunir des experts afin de finaliser le plan, mais celui-ci ne répondra pas. L’abandon du plan est tout simplement la résistance des Anglais. L’échec du III° Reich à obtenir une capitulation rapide des Britanniques met fin à tout espoir de maîtrise de l’espace maritime.
Le plan Madagascar sera définitivement abandonné en décembre 1940. L’histoire l’a oublié.
Je suppose que les pro-sionistes diront que, si l’île de Madagascar était devenue la terre d’Israël, elle serait aujourd’hui une grande puissance où les peuples ne crèveraient pas de faim ou de malaria. Je subodore que les antisionistes objecteront que, si tel était le cas, il ne resterait plus un malgache sur l’île. Pour ma part, je me garderai bien du moindre commentaire car je n’ai pas d’avis sur la question.
Eric de Verdelhan
26/08/2025
1) Et également par les catholiques traditionnalistes, et ils ont raison !
2) Les chrétiens parlant l’arabe et arabisés.
3) J’ai tenté de lire un livre – UN seul ! – de Marek Halter ; il m’est tombé des mains à la vingtième page. Et j’ai appris plus tard qu’il n’en était pas l’auteur.
4) Il vivra deux ans en Argentine de 1955 à 1957.
5) J’ai bien connu un écrivain « pieds noirs », champion du plagiat, qui a fait ses choux gras sur la « nostalgérie », la tristesse des nostalgiques de l’Algérie française.
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