MILEI VEUT METTRE À BAS LA CASTE QUI MAINTIENT LE SYSTÈME

Alors que les partis « populistes » progressent dans la plupart des démocraties, nous sommes allés à la rencontre de cinq penseurs représentant les différents courants antisystèmes qui traversent le monde politique occidental. Cette semaine, Santiago Muzio, avocat franco-argentin, directeur de la Maison de l’Argentine à Paris et compagnon de route de Milei, nous explique les ressorts de l’« afuerisme ».

Article paru dans le Figaro Magazine du 25 juillet 2025

Quel est le corpus idéologique de Javier Milei, comment définiriez-vous le miléisme » ?

Il faut partir de la conception que Javier Milei a de l’État. Lors d’une interview, ila demandé au journaliste qui l’interrogeait : « Combien de fois as-tu été racketté cette année ? » Devant l’absence de réponse, il a renchéri : « Eh bien, l’État te rackette tous les jours. » Cette anecdote en dit long sur ce qu’est devenue la puissance publique dans nos sociétés modernes. Aux fondements de sa campagne électorale figurait la dénonciation d’une omniprésence de l’État dans des domaines qui ne le regardent pas, au détriment des trois fonctions qui devraient lui incomber : la défense de la vie, la propriété, la liberté. Économiste de formation, Javier Milei s’inspire de l’école autrichienne incarnée par Ludwig von Mises, Friedrich Hayek ou encore Murray Rothbard. Hayek s’amusait à dire que, si les socialistes comprenaient l’économie, ils ne seraient plus socialistes.

Il faut se rappeler qu’au début du XXe siècle, l’Argentine, portée par ses terres fertiles et son industrie florissante, figurait parmi les cinq plus grandes puissances mondiales. Le choix du socialisme dans les années 1930-1940, puis du péronisme – un mouvement politique à multiples facettes mais qui, pour résumer, a creusé la paupérisation initiée par les socialistes -, a fait entrer le pays dans une spirale de décadence. Après la crise de 2001, on a eu vingt ans de gouvernements socialistes-kirchnéristes entrecoupés d’une parenthèse de centre droit avec Mauricio Macri (2015-2019), lequel ne s’est pas attelé aux questions essentielles. Lorsqu’on change de cuisinier mais que les plats sont toujours aussi mauvais, c’est peut-être qu’il est temps de changer de recette. La gauche a dominé en embrassant l’agenda progressiste (idéologie de genre, wokisme), ce qui lui a valu la complaisance de la presse internationale. Javier Milei veut mettre à bas cette caste composée de la classe politique, des médias et des corporations qui maintiennent le système. Il incarne simplement le triomphe du bon sens.

Il se réclame parfois du libertarianisme et de l’ « anarcho-capitalisme ». Est-ce à dire qu’il est également libéral sur le plan sociétal ?

Il défend la vie, de sa conception jusqu’à sa fin naturelle. Au forum de Davos, il a un jour expliqué qu’il venait planter le drapeau de la liberté dans un sommet contaminé par les idées socialistes de l’agenda de l’ONU 2030, cet agenda qui oppose radicalement l’homme à la femme dans une dénonciation absurde du patriarcat, l’homme à la nature pour contenter les mouvances écologistes les plus extrémistes.

La droite classique, quand elle prend le pouvoir, s’occupe généralement des comptes publics mais délaisse le combat culturel. Elle prend au sérieux le ministère de l’Économie, mais néglige ceux de la Culture et de l’Éducation. Or, la bataille culturelle n’est pas secondaire. Elle est essentielle. L’Argentine est sortie de l’agenda 2030 de l’ONU, qui, sous couvert de bonnes intentions, diffuse une idéologie globaliste mortifère. Nous avons aussi quitté l’OMS pour préserver notre souveraineté en matière de santé.

Alors, peut-on le qualifier de populiste libéral ?

Chacun met ce qu’il veut derrière le mot-valise « populisme », d’où l’importance de le définir. Si l’on définit le populisme comme la défense du peuple face à la caste que je décrivais, alors on assiste à l’émergence d’un « populisme de droite », porté par Giorgia Meloni en Italie, Donald Trump aux États-Unis et Javier Milei en Argentine. Mais ce dernier est surtout très disruptif et ne se laisse pas facilement enfermer dans une case. Sa ligne consiste à privilégier la vérité amère au mensonge confortable, à rendre à chacun la maîtrise de sa propre vie. Vous rencontrez les mêmes problèmes en Europe. Prenez l’exemple d’un agriculteur qui se lève tôt tous les matins pour travailler dans ses champs, pourquoi ne saurait-il pas mieux ce qui est bon pour lui qu’un bureaucrate perché dans sa tour d’ivoire à Bruxelles ? De même, l’éducation doit redevenir une prérogative des parents.

En Argentine, les politiques étaient devenus une sorte de « superclasse » totalement déconnectée des préoccupations de l’homme ordinaire, qui travaille et paie des impôts pour faire vivre cette classe improductive. Car il faut bien que quelqu’un paye les dépenses de l’État. Or, l’homme ordinaire ne peut reconquérir sa liberté qu’à condition d’une diminution de l’État. D’où la décision de Javier Milei, une fois élu, de réduire le nombre de ministères de 18à 8, ainsi que le nombre de fonctionnaires, dont 41 000 n’ont pas été reconduits (12 % des effectifs).

Quand l’État vous a habitué à recevoir sans contrepartie, quand on vous a mis en tête que vous aviez une infinité de droits et pas de devoirs, vous y prenez goût. Mais la société argentine dans son ensemble a compris qu’un tel système n’était pas viable. Que pour voir son niveau de vie progresser, il faut consentir à un effort. Javier Milei a choisi de réduire l’État pour que cet effort pèse le moins possible sur l’homme commun. Libérés d’un poids mort, les citoyens comprennent que demain ils pourront retrouver une meilleure qualité de vie.

Nos idées sont gagnantes, elles ont fait grand l’Occident depuis la Rome et la Grèce antiques. On ne peut entrer dans un compromis intenable avec des forces qui leur sont hostiles et dont la seule volonté est de détruire ce qui reste de notre civilisation.

Quel bilan de la présidence Milei peut-on établir après un an et demi de mandat ?

D’abord, les Argentins qui l’ont élu avaient une préoccupation majeure : l’inflation exponentielle. Pour le discours d’investiture, la coutume veut que le nouveau président expose sa vision devant le Parlement. Javier Milei, lui, a décidé de le prononcer dos au Parlement, à l’extérieur, sur une esplanade, afin de s’adresser au peuple argentin. Ce 10 décembre 2023, il a exposé l’état épouvantable de l’Argentine, minée par un déficit public et une inflation chronique puisque ses prédécesseurs utilisaient la Banque centrale pour réinjecter de la monnaie. Si rien n’était fait, a-t-il expliqué, 17 000 % d’inflation annuelle guettaient le pays, d’où l’impossibilité de mettre en place des mesures graduelles. Les finances publiques ne le permettaient pas.

Il a assumé la nécessité d’une méthode brutale, douloureuse à court terme, mais susceptible de redresser l’Argentine. On en perçoit déjà les fruits : le taux de pauvreté, hérité du gouvernement sortant, a chuté d’environ 53 à 31,7 % au premier trimestre 2025. Même l’Unicef a reconnu que le gouvernement avait sorti de la pauvreté 1,7 million d’enfants en dix-huit mois. L’inflation est un mauvais souvenir et, pour la première fois depuis des décennies, il n’existe plus de déficit public. Une règle d’or a été inscrite : l’État ne doit pas dépenser plus qu’il ne gagne.

En 2023, l’Argentine avait le choix de continuer sur le sentier du globalisme de gauche et de finir comme le Venezuela, où chaque habitant a un million de dollars en pétrole sous ses pieds et où, aujourd’hui, il faut faire six ou sept heures de queue pour faire le plein d’essence. Mais Javier a dépeint la cruelle réalité économique et culturelle du pays, son honnêteté lui a permis la victoire.

En France, le ras-le-bol fiscal et bureaucratique pourrait-il favoriser l’émergence d’un populisme libéral ?

L’histoire de France est riche en révoltes et révolutions. La Fronde est née d’une contestation fiscale, car le taux d’imposition de 17 % était trop élevé. Comparez avec aujourd’hui… Le taux d’imposition est très élevé, la dette publique augmente et des problèmes structurels restent irrésolus. Voilà pourquoi Javier Milei pourrait inspirer un renouveau politique en France, mais pas que. La classe moyenne en a marre d’être taxée, méprisée, déconsidérée. Le statut de la France et de l’Europe se dégrade de plus en plus dans le concert mondial. L’Europe gagnerait à remettre à l’honneur la vision occidentale inspirée de Grèce et Rome et de la chrétienté, et fondée sur la liberté humaine.

En France, on reproche parfois à Javier Milei sa violence verbale. Il a un franc-parler très argentin auquel on n’est pas habitué ici. Mais, il faut bien dire aussi que ses adversaires sont d’une violence extrême, allant jusqu’à prôner la mort de leur opposant politique. Nous, on ne craint pas le débat d’idées car nous sommes sûrs que les nôtres sont les meilleures.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio et Constantin Gaschignard


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