ET SI L’ARMÉE FAISAIT (ENFIN !) DES ÉCONOMIES (Eric de Verdelhan)

« Taire la vérité, n’est-ce pas déjà mentir ? Qui ne gueule pas la vérité, quand il sait la vérité, se fait le complice des menteurs et des faussaires ! »

(Charles Peguy).

J’avais, jusqu’au début juillet, une bonne opinion du général Thierry Burkhard, notre actuel Chef d’État-Major des Armées. Ancien officier légionnaire-para du prestigieux 2ème REP (1), chuteur opérationnel, puis patron de la non moins glorieuse 13ème DBLE (2), avant de rejoindre – couvert de médailles et décorations sans doute amplement méritées ! – les hautes sphères proches du pouvoir. Il était de ses officiers, de plus en plus rares, qui à la sortie de Saint-Cyr- Coëtquidan, choisissent la Légion Étrangère plutôt que la Gendarmerie. Avec sa belle gueule de para et sa prestance, je pensais qu’il était différent de ces généraux de bac à sable ou ses présidents d’associations militaires qui rasent les murs  chaque fois qu’on dénigre la France, son passé colonial ou son armée. Je n’oublie pas leur silence coupable lors de l’instauration du 19 mars 1962 comme date « officielle » de la fin des combats en Algérie, ou lorsque François Hollande condamnait, à Alger, les « massacres de Sétif », ou lorsque Macron qualifiait l’œuvre française en Algérie de « crime contre l’humanité », ou encore quand le même rendait une visite de repentance à la veuve du traître Maurice Audin.

Combien de fois ai-je été surpris, outré, scandalisé ou atterré devant le silence des généraux et des présidents d’associations qui, au nom d’un apolitisme confortable (ou de leur sacro-saint « devoir de réserve ») ne jugeaient pas prudent de pousser un coup-de-gueule, pourtant ô combien légitime ! Il va sans dire que je ne mets pas tous les généraux dans le même sac. Il y a, parmi eux, des beaux  soldats, des gens courageux, des hommes aux convictions fortes. Je pense, entre autres (mais la liste n’est pas exhaustive !) aux généraux Piquemal, Martinez, Dary, Pinard-legry…etc… Mais ils sont, hélas, l’exception qui confirme la règle !  

Je viens de relire la magnifique « Lettre aux officiers » de Pierre Sergent, que j’ai eu la chance de connaître (3). Dans ce livre, il écrit ceci : « Depuis  1918, les généraux se relaient à la tête de nos armées pour les mener de défaites en désastres. Voilà plus d’un demi-siècle qu’ils sont incapables de nous donner la moindre victoire vraiment française, et ils voudraient s’arroger l’exclusivité de la pensée militaire ! À eux seuls stratégie et tactique. À eux la parole. À eux la vérité…On pourrait penser que le passé les incite à la modestie. Pas question… ». Cet avis est corroboré par celui d’un colonel, qui signait ses écrits « Spartacus » pour dénoncer le fiasco de « l’Opération Manta » au Tchad (4).

« Pourquoi ces généraux…légataires des vertus de Bonaparte, Murat, Gallieni, Foch, Leclerc, Juin et de Lattre de Tassigny ont-ils ce comportement frileux, traditionaliste et irresponsable ? …Nos généraux ont un comportement frileux…parce qu’ils ont fait preuve de toutes les qualités qui permettent  aux plus falots d’accéder aux étoiles. Savoir se mettre en valeur, ne jamais dire non à un supérieur… ne pas hésiter à priver ses enfants de bifteck pour offrir un bon repas à son colonel (5), être toujours volontaire pour les corvées mondaines, ne jamais prendre de risques inutiles… »

C’est vachard, mais on peut supposer que l’auteur sait de quoi il parle ?

Concernant le risque de conflit avec la Russie, le général Burkhard a accepté d’être l’Auguste du Clown Blanc Emmanuel Macron ; « Pathé-Marconi : la voix de son maître ». Je trouve ça triste !

« L’armée est à l’os » disait le général Pierre de Villiers, celui que Macron a congédié comme un vulgaire laquais pour avoir osé lui dire la vérité. Notre pays est ruiné ; nous n’avons plus un sou vaillant et je ne vois pas comment  nous pourrions financer notre réarmement ?

Mais il est indéniable que nous pourrions faire quelques économies sur la bête car il y a une explication au profil bas de certains généraux : on a fabriqué, au fil des années, une caste de privilégiés, au même titre qu’avec  nos députés et sénateurs.  De ce fait, l’armée souffre aussi d’un mal bien français, un mal qui ronge aussi bien la fonction publique que le secteur privé: « la pyramide à l’envers » : Il y a pléthore de chefs et ces chefs nous coûtent très cher !

Les Français, quand on les interroge, s’accordent tous sur le fait que le « Conseil Economique, Social et Environnemental »(CESE) est un gouffre financier qui ne sert strictement à RIEN (sinon à recaser des « obligés » du système).

L’utilité réelle du Sénat est discutable. Tout le monde s’accorde aussi sur le coût prohibitif et le nombre trop important de nos députés: la France, avec 68 millions d’habitants, compte autant de députés et de sénateurs que…l’Inde : 1,26 milliard d’habitants (6) ; cherchez l’erreur !

Or, selon les données du ministère des armées, il y avait (en 2019) 376 officiers généraux en activité : 211 généraux de brigade et 165 généraux de division, mais ce chiffre « officiel » est inexact   il ne comptabilise pas les généraux de corps d’armée et d’armée (4 et 5 étoiles) qui sont pourtant nombreux. Comme nous n’avons plus de corps d’armée et d’armée, ces deux grades sont devenus des distinctions, comme le maréchalat de France. Je suppose donc que nous avons encore environ 400 généraux, sinon plus, et ce chiffre me laisse perplexe quand on sait que notre armée est réduite, en gros, aux effectifs de l’armée d’armistice  tolérée par Adolf Hitler après la raclée de juin 1940.

Vient se greffer là-dessus une autre «exception française»: Les généraux en « deuxième section ». Véritable institution (depuis 1839) et unique en Europe, la « deuxième section » est composée des généraux qui ne sont pas en activité tout en étant à disposition du ministère.

Initialement, elle avait sa raison d’être : elle était conçue comme un vivier de généraux en temps de guerre, quand la France avait une armée d’appelés du contingent. Mais la « deuxième section » ne correspond plus à la taille de l’armée actuelle. Elle compte environ 4 ou 5000 généraux et pourrait théoriquement fournir en effectifs l’équivalent de six armées américaines (et de combien d’armées mexicaines ?). Cette «Nomenklatura» bénéficie de nombreux avantages (tarif SNCF, solde de réserve ou retraite militaire avec abattement de 10%…) sans aucune limite d’âge. Avantages qui se révèlent trop chers pour un vivier très peu utilisé (Le ministère fait appel, tous les ans, à une centaine de généraux en « 2S », soit moins de 2% de l’effectif concerné) et coûte plus de 3 millions d’euros rien qu’en indemnités SNCF (laquelle, rappelons-le, est fortement déficitaire et renflouée par NOS impôts!). Certes, c’est un coût relativement minime du budget total de la Défense, mais la faible utilisation des généraux en « 2S », souligne la nécessité d’une baisse drastique de leur nombre.

Ne cherchons pas de polémique stérile. Il n’est pas question de braquer le peuple contre ses « élites » (ou la troupe contre ses chefs). Il importe peu, après tout, de savoir si nos généraux doivent leurs étoiles à leur intelligence, leur courage, ou à la souplesse de leur échine ; s’ils ont obtenu leur avancement au mérite ou grâce à leur appartenance au « Grand Orient » (7). Clémenceau disait :

« Les fonctionnaires sont comme les livres d’une bibliothèque: ce sont les plus haut placés qui servent le moins ». Nos généraux sont des hauts fonctionnaires et certains sont en « 2S » depuis des années. Il importe donc de savoir s’ils servent à quelque chose (et pour quel coût ?). Vaut-il mieux équiper un voltigeur en « Opex » d’un gilet pare-balles neuf (qui lui permettra de sauver sa peau) ou conserver les privilèges d’un vieux général en «2S » ? Cette question mérite d’être posée mais, bizarrement,  personne ne la pose! Je constate simplement  que la peur de mécontenter le pouvoir  – et de risquer de perdre les avantages de la « deuxième section » –  confine plusieurs  d’entre eux dans une tiédeur, une passivité voire une complaisance, qu’on pourrait qualifier de collaboration honteuse.  

Eric de Verdelhan.

18/07/2025

 

1) Régiment Etranger Parachutiste.

2) Demi-Brigade de Légion Étrangère.

3) « Lettre aux officiers » ; Pierre Sergent ; Fayard ; 1975.

4) « Opération Manta » ; Colonel Spartacus ; Plon ; 1985.

5) Ce conseil figurait dans le « Manuel du savoir-vivre » remis aux élèves-officiers d’une grande école jusqu’en 1972.

6) L’Inde, ancienne colonie britannique, a conservé un système qui s’apparente à la « chambre des Lords » et la « chambre des communes » anglaises.

7) Nous savons, depuis « l’affaire des fiches » du général André, en 1904, que l’appartenance à une loge maçonnique peut parfois être un critère d’avancement.


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