JULIETTE BINOCHE À CANNES, LA PALME DE LA NIAISERIE (Ophélie Roque)

« Juliette Binoche n’est pas la première à endosser le rôle de l’actrice engagée et elle ne sera pas la dernière ; se vautrer dans la cause humanitaire est devenu le passage quasi obligé de toute star soucieuse de se donner les apparences de la profondeur intellectuelle. »

Stephane Mahe / REUTERS

La présidente du jury du Festival de Cannes 2025, Juliette Binoche, a été raillée pour son discours grandiloquent et sa tenue lors de la cérémonie d’ouverture de l’événement. L’enseignante Ophélie Roque s’amuse de cette performance.

FIGAROVOX/HUMEUR –

Je n’attendais rien du discours inaugural du festival de Cannes. J’ai eu tort. Et c’est seulement maintenant que l’émotion est un peu retombée que je prends pleinement conscience de la portée de l’évènement. Juliette Binoche fut superbe, positivement superbe, et je ne laisserai personne me contredire. À dire vrai, j’ai ressenti la même émotion que lors du discours prononcé au Zénith le 13 février 2022 par Valérie Pécresse. J’y ai retrouvé les mêmes impressions, ce mélange de gêne palpable et de jeu faussé. Bien qu’il faille reconnaître que la gestuelle de Valérie était un tantinet plus élaborée. Elle avait su, tout du long, multiplier les poses audacieuses là où Juliette s’est contentée d’adopter la posture hiératique d’une colonne dorique. Vous me direz, la faute réside peut-être moins en l’actrice elle-même que dans son invraisemblable tenue à mi-chemin entre la Madone et la princesse Leia. On la sentait peu à l’aise, avec quelque chose de l’ordre du contraint, au fond vaguement inquiète à l’idée que l’étoffe ne glisse de sa poitrine et puisse choquer l’éventuel Tartuffe affalé devant sa télé et qui ne se remettrait probablement jamais d’une mamelle aussi impudiquement dévoilée. En même temps, cette fragilité émeut, elle rappelle notre vulnérabilité à tous quand, hagards et honteux, on s’enroule à la va-vite dans une serviette pour ouvrir au livreur Amazon qui détient notre colis.

On me dira que je m’appesantis trop sur la forme alors qu’en tout c’est le fond qui prime. Soit. Je m’attelle donc à décortiquer la substantielle moelle d’un discours qui restera, longtemps, dans les annales. Je passe rapidement sur les premières phrases d’échauffement qui ne dépareraient pas dans la bouche d’une Miss Camping « du fond de mon cœur, je vous remercie » pour tout de suite aborder le cœur du message.

On peut virevolter avec des robes de grands couturiers tout en déplorant la misère de ceux qui n’ont ni la possibilité ni l’argent ni le temps d’aller au cinéma

« Le vent des douleurs emporte les plus faibles, les otages du 7 octobre et tous les otages, les prisonniers, les noyés. »

Une phrase pareille, ça a tout de même une autre gueule, mais alors qu’on s’attend à un autre chapelet de niaiseries similaires le miracle survient.

« Guérir nos ignorances et lâcher nos peurs, notre égoïsme. Changer de cap et face à l’orgueil redonner de l’humidité, l’humidité, l’humilité…»

Les lapsus et les langues qui fourchent ça arrive, à moi la première, et je serais bien mauvaise langue de trop m’y attarder mais rien ne nous préparait à une telle suite. « L’humidité de l’houmous qui est l’humilité !» Ce n’est plus un discours, ce sont les divagations des membres de l’Oulipo. Et la chose continue !

« Il faut lui redonner toute sa place. »

À qui ? À quoi ?

Fort heureusement revient le temps des poncifs et des phrases aussi grandiloquentes qu’elles sont vaines : baudruches toutes prêtes d’un milieu qui se veut engagé et nécessaire. Au fond, ces guerres c’est très bien, ça dramatise la cérémonie. On peut virevolter avec des robes de grands couturiers tout en déplorant la misère de ceux qui n’ont ni la possibilité ni l’argent ni le temps d’aller au cinéma. « Des artistes luttent tous les jours et font de cette résistance un art ». De quelle lutte parle-t-on ? Et d’ailleurs n’est-il pas indécent de parler des « luttes » de l’artiste après avoir évoqué les « otages, les prisonniers, les noyés ». Eux luttent, et pas qu’un peu ! Ils luttent si fort qu’ils en meurent. Peut-être qu’il serait temps, pour être entièrement raccord avec le fond de son propos, de ne parler que d’eux et uniquement d’eux si c’est là ce qui nous touche. Ne pas ramener tout à l’artiste surtout quand les sentences sonnent aussi profondes que les phrases de conclusion d’une copie de brevet : « L’art reste, il est le témoignage puissant de nos vies, de nos rêves. »

Alors oui, Juliette Binoche n’est pas la première à endosser le rôle de l’actrice engagée et elle ne sera pas la dernière ; se vautrer dans la cause humanitaire est devenu le passage quasi obligé de toute star soucieuse de se donner les apparences de la profondeur intellectuelle. D’ailleurs ce n’est pas la première fois qu’elle se travestit en lanceuse d’alerte, il suffit de se souvenir de ses prises de positions – plus que contestées – autour de la 5G ou des vaccins contre la Covid. Mais il semblerait qu’ici elle oublie une chose, essentielle : choisir une cause, c’est aussi choisir son public. Et dans le cas échéant, elle n’a su convaincre ni d’un côté ni de l’autre. Jugée tiède par le camp palestinien qui lui reproche de ne pas mentionner le rôle d’Israël et tenue pour suspecte par le camp israélien qui lui en veut d’avoir plus ou moins amené la question de Gaza à Cannes.

Mais j’aurais également pu évoquer la très audacieuse tirade de Laurent Lafitte qui évoque, sans frémir « le climat, l’équité, le féminisme, les LGBTQIA+, les migrants, le racisme », autant «de mots bannis par la première puissance du monde » (qu’on ne nomme d’ailleurs pas, le courage sait, lui aussi, avoir ses limites).

Ni le cinéma ni les différentes causes humanitaires énumérées avec une comptabilité soucieuse n’en sortent grandis. La palme de l’engagement ne saurait se contenter d’un vain bruit. Merci aux travailleurs sociaux, merci aux bénévoles, merci à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, contribuent à l’amélioration de la société. Car, in fine, c’est à eux que revient la palme de l’engagement

Ophélie Roque

16/05/2025

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1 Commentaire

  1. Tout ces « gens » du ciné, de la télé, des médias, tout ces prétendus artistes de tous les domaines seraient bien inspirés de fermer leur bec. Tiens, puisqu’ils sont inspirés par le réchauffement carbonique de la planète, qu’ils arrêtent donc de respirer.
    Ca nous ferai des vacances.
    Et surtout, SURTOUT , qu’on cesse de les nourrir en subventionnant leurs délires et leurs daubes.